Mariage gay : Marine Le Pen tiraillée entre le FN tradi et le lobby gay ?
Manifestera ? Manifestera pas ? La présidente du Front national, Marine Le Pen, en aura mis du temps pour trancher la question de sa participation au rassemblement des opposants au mariage homosexuel qui se tiendra dimanche 13 janvier dans la capitale. Finalement, elle ne rejoindra pas la manifestation… Motivation d’une telle (in)décision ? Pour l’hebdomadaire conservateur Minute, l’extrême blonde subit les pressions d’un puissant « lobby homosexuel ».
Pourquoi Marine Le Pen refuse-t-elle de rejoindre ses camarades frontistes Porte Maillot le 13 janvier prochain ? Pourquoi refuse-t-elle de manifester aux côtés des opposants au projet de loi ouvrant l’union civile aux homosexuels ? Pourquoi refuse-t-elle de venir grossir les rangs du rassemblement des « antis » ? Marine Le Pen serait-elle lesbienne ? Trêve de plaisanterie. Une chose est sûre : la présidente du Front national ne se joindra pas aux militants frontistes – qui se retrouveront Porte Maillot – dimanche prochain pour crier haut et fort son opposition au « mariage pour tous »…
Contrairement aux membres de son bureau politique qui ont annoncé hier, lundi 7 janvier, la mise en place d’une délégation au sein de la manifestation. « Le Front national appelle ceux qui, élus, cadres, militants ou sympathisants, veulent exprimer leur opposition à ce projet de loi en participant à « la manifestation pour tous » –Joli détournement de la part des « antis » ! – organisée le 13 janvier à retrouver sa délégation Porte Maillot, en bas de l’avenue de la Grande Armée, à 12H30 », indique ainsi une motion du bureau politique du FN.
Vendredi 4 janvier, Marine avait déclaré dans un communiqué qu’elle soutenait « les élus, militants, sympathisants » du FN qui voulaient rejoindre ce rassemblement « légitime », mais qu’elle-même n’y participerait pas. Pourquoi ? Par crainte de faire le jeu de « l’UMPS ». La fille de Jean-Marie Le Pen ne se fera pas manipuler en prenant part « à ce qui est devenu une grossière tentative de récupération politicienne et d’enfumage sociétal de la part de l’UMP et du PS ». Blonde, mais pas conne la Marine. On ne peut pas en dire autant de ceux qui sont tombés dans le traquenard des socialistes, ceux qui ont mordu l’hameçon aux couleurs de l’arc-en-ciel, ceux qui se sont laissés effrayés par l’épouvantail du mariage gay… C’est un complot : les homos, ça n’existe pas en vrai !
Plus sérieusement, la présidente du FN nous a donné une belle leçon de contorsion. Sous couvert d’anonymat – c’est qu’elle n’est pas commode la Marine ! – un membre du bureau politique a jugé la position de sa patronne « assez contradictoire » poursuivant ainsi : « elle dit que cette manifestation est un leurre et elle soutient ceux qui y vont ». Contactée par l’AFP pour riposter aux tirs provenant de son propre camp, elle a précisé, mêlant la mauvaise foi à la langue de bois, que la motion du bureau politique ne constituait pas un appel à manifester de la part du FN. Aussitôt épaulée par le frontiste Florian Philippot qui a déclaré au micro de France Culture : « On donne un point de rendez-vous pour ceux qui souhaitent manifester (…). Nos électeurs sont 50-50 » sur l’union homosexuelle.
Le Front national est manifestement divisé sur la question du « mariage pour tous ». D’un côté, les tradi emmenés par les anciens Bruno Gollnisch et Marie-Christine Arnautu, vice-présidente du parti, et rejoins par les cathos « de l’extrême » – vous savez, les sympathiques militants de Civitas – et les identitaires, fermement opposés au mariage homo. De l’autre, le « nouveau FN », plus jeune, plus moderne, qui milite moins contre l’enterrement des traditions que contre celui de l’industrie.
De quelle côté penche le bureau politique du Front lorsque, dans sa motion, il « condamne l’insolence et le mépris avec lesquels ce gouvernement entend imposer une modification aussi radicale des règles fondatrices et plurimillénaires de notre société et de notre civilisation ». Pas le temps de faire un commentaire de texte ici. Mais, on constate que la déclaration des leaders frontistes n’est pas si tranchée que cela. S’opposent-ils au projet de loi en lui-même ou aux conditions de sa sortie ? A moins qu’ils s’opposent (pour s’opposer) au président socialiste. En fuyant la manif des « antis », Marine Le Pen ne craint-elle pas de passer à côté d’un rassemblement anti-Hollande ?
Ce n’est pas de sa seule faute selon Minute. Dans son numéro du 2 janvier 2013, l’hebdomadaire d’extrême droite explique la décision de la présidente du FN par le pouvoir d’un « lobby gay [qui] s’introduit partout », y compris au sein du Front. Ainsi, la prise de pouvoir de la fille de Jean-Marie coïnciderait avec l’arrivée de membres homosexuels dans le parti… Nicolas Lebourg, spécialiste de l’extrême droite interviewé dans Les Inrocks, tente de répondre à la « question taboue » de Minute : « Existe-t-il un lobby gay au FN » : « Au sein du FN, des cadres accusent effectivement les gays de constituer un lobby, une hiérarchie parallèle (…). Marine Le Pen, c’est le phénomène Dalida, elle est adulée par un encadrement gay, elle a toujours fréquenté la nuit gay. »
Ainsi donc, Marine Le Pen voudrait seulement défendre ses copains homos en refusant de participer au rassemblement des « antis » ? Non, elle reste une politicienne. « Le FN ne va pas marquer des points sur l’homophobie, sa martingale c’est l’anti-immigration. Ils ne vont pas faire de la politique sur une demande sociale homophobe car il n’y a pas la clientèle politique pour ça. Il n’y a que des coups à prendre pour le FN en se lançant dans ce débat », explique Nicolas Lebourg aux Inrocks.
Crédit photo : AFP archives
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