La science, bien public ou bien privé ?

Alors que vient d’être séquencé le génome d’une grenouille tropicale africaine, le Xenopus tropicalis, avancée scientifique porteuse de bon nombre d’espoirs quant à la protection des amphibiens et la compréhension des maladies humaines, la question du statut de la science se pose plus que jamais.

En 2000, Celera Genomics (groupe privé dont la principale fonction est la recherche et la commercialisation d’informations génétiques) et un groupe de chercheurs au sein du programme HGP (Human Genome Project) avaient annoncé le séquençage du génome humain, ouvrant d’immenses perspectives pour le traitement des maladies génétiques. Mais la découverte a rapidement laissé place au désenchantement lorsque Celera Genomics a affirmé vouloir breveter ce séquençage. Lors d’un sommet du G8, la communauté internationale a alors signalé que les gènes ne pouvaient en aucun cas être soumis à un brevet car seules les inventions (telles que des procédés de thérapie ou de diagnostic) en avaient la possibilité. L’idée émise par Celera Genomics était alors parfaitement illégale mais ouvrait une brèche pour de nombreuses sociétés lorsque l’on sait que le séquençage du génome pour la prédisposition au cancer du sein est aujourd’hui breveté aux Etats-Unis. Autrement dit, une affaire où les enjeux financiers priment sur le statut de bien public de la science.

La science ne peut en aucun cas laisser libre cours à la marchandisation des découvertes et autres avancées techniques puisque la soustraire à sa dimension éthique serait de la pure folie. Même si le paradigme actuel voudrait nous laisser croire en la gestion plus efficace de la science par le secteur privé (qui serait alors totalement soumise à des objectifs de rentabilité et de profit), les Etats doivent rester sur leurs gardes quant aux dérives d’un tel système. Mais aucun statut de la science ne peut prétendre à la perfection. D’une part, le système libéral américain prônant la science comme bien privé est sujet à bon nombre de critiques mais peut mettre en avant sa performance. D’autre part, la solide recherche d’Etat du système français fait apparaitre des dysfonctionnements importants concernant le statut de bien public de la science.

La réponse consisterait plutôt en un partenariat accru entre le public et le privé car l’enjeu est aujourd’hui d’établir des liens profonds entre la recherche d’Etat et les entreprises. Ainsi, le séquençage du génome humain par des fonds privés a été mis à disposition de l’ensemble de la communauté scientifique, ce qui a certainement pu permettre à des chercheurs issus de la recherche publique de faire progresser leur propre travail. Au final, une histoire de coopération plutôt que de séparation définitive entre public et privé.


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