Le Chili bascule à droite
La droite est de retour au pouvoir au Chili.
Le Chili a choisi son premier président de droite depuis cinquante-deux ans. Le milliardaire Sebastian Piñera a été élu, au second tour de l’élection présidentielle, dimanche 17 janvier, avec 51,61 % des voix contre 48,38 % pour l’ancien président démocrate-chrétien Eduardo Frei (1994-2000), le candidat de la Concertation, la coalition de centre-gauche qui gouverne depuis le retour de la démocratie, il y a tout juste vingt ans. La victoire de Piñera, âgé de 60 ans, marque le retour de la droite sur la scène politique du Chili mais aussi en Amérique du Sud, où la gauche a enchaîné les victoires électorales ces dernières années, que ce soit au Brésil, en Bolivie, au Vénézuela ou en Uruguay. L’homme d’affaires de droite succédera le 11 mars à la présidente socialiste Michelle Bachelet, qui l’avait battu en 2006 au second tour. La présidente quitte le pouvoir avec 80% de popularité, mais n’avait pu se représenter car la Constitution ne lui permettait pas de briguer un second mandat consécutif. M. Piñera prendra les rênes du pays pour un mandat d’une durée de quatre ans.
Sebastian Piñera collectionne les chemises de marque, cultive un goût prononcé pour les beaux costumes et ne quitte jamais sa montre Cartier… On le surnomme d’ailleurs « le berlusconi chilien« . Cet homme d’affaires a investi dans l’immobilier, les pharmacies et les systèmes de santé privés, faisant fortune pendant la dictature militaire du général Augusto Pinochet (1973-1990). Mais il s’est toujours démarqué de la droite traditionnelle qui a soutenu le régime militaire, et a voté « non » au plébiscite de 1988 par le biais duquel Pinochet avait essayé de conserver le pouvoir. Sa plus grande difficulté a justement été de décomplexer cette droite qui avait eu jusqu’ici peine à se débarrasser de son image pinochetiste. Piñera a su donner un visage moderne à la droite, tout en rappelant sans cesse son attachement à la démocratie. Mais il ne faut pas pour autant oublier que son arrivée au pouvoir a aussi été permise par son alliance avec l’Union Démocrate Indépendante (l’UDI), qui a soutenu la dictature.
Ancien fonctionnaire de la banque mondiale, Piñera est entré véritablement dans la vie politique en devenant sénateur, de 1990 à 1998. Aujourd’hui à la tête d’une fortune évaluée à plus d’1 milliard de dollars, il est pour beaucoup de Chiliens le symbole de la réussite. Il est propriétaire du populaire club de football Colo Colo et de la chaîne de télévision Chile Vision. Il représente le désir d’alternance des Chiliens, qui ont montré par ce vote, leur déception à l’égard de la Concertation de centre-gauche et leur volonté de ne pas voir revenir au pouvoir l’ancien président Eduardo Frei, dont le bilan à la présidence de 1994 à 2000 était plutôt mitigé…
On pourra craindre certaines interférences entre ses activités d’homme d’affaires et ses responsabilités de chef d’Etat, même si Piñera s’est plus ou moins engagé à se défaire de quelques-unes de ses entreprises. Lors de la campagne électorale, le candidat Frei a rappelé les scandales financiers dans lesquels le milliardaire a été impliqué. Il a été condamné en 2007 à verser une amende de 670 000 dollars pour un délit d’initié lors de l’achat d’actions de la compagnie aérienne Lan Chile.
Quoiqu’il en soit, les Chiliens ne semblent pas lui en avoir tenu vigueur et veulent croire en son message optimiste, délivré lors de sa campagne « Je suis le moteur du changement populaire« . Ils espèrent que ce nouveau président tiendra ses promesses de création d’un million d’emplois, de construction de nouveaux hôpitaux et de 600 000 logements. Il dispose de la majorité de la droite à la Chambre des députés mais pas au Sénat, dont le centre gauche garde encore le contrôle. Il a quatre ans devant lui pour faire ses preuves et montrer un visage neuf de la droite, mise à mal par 17 ans de dictature militaire, période sombre de l’histoire du Chili qui reste encore très présente dans le débat politique.
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