Mali : la France a-t-elle raison de bombarder le berceau des djihadistes ?

Ce week-end, les raids aériens de l’armée française se sont multipliés dans le nord du Mali. Cible : le berceau des milices islamistes, la ville de Gao et les alentours de Kidal. Objectif : la poursuite de l’opération « Serval » déclenchée vendredi 11 janvier par François Hollande pour freiner l’avancée des djihadistes vers la capitale malienne, Bamako, et répondre ainsi aux appels à l’aide du président par intérim, Dioncounda Traoré.

Dimanche : la France bombarde le nord-Mali

Quatre jours se sont écoulés depuis le déclenchement de l’opération « Serval ». Dimanche dernier, les avions de l’armée française ont multiplié les raids dans le centre et le Nord du Mali pour bloquer l’avancée inexorable des milices islamistes qui, depuis le 22 mars 2012, se sont emparées des trois principales villes du Mali, Kidal, Gao et Tombouctou.

Selon le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, le but de la France n’est pas de reconquérir la zone, mais de « liquider » les trois collectifs du Jihad qui la contrôlent depuis bientôt un an. Armés jusqu’aux dents, les miliciens d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi), du Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et les Touaregs d’Ansar Dine imposent un règne de terreur au Nord-Mali. Selon l’ONG Amnesty International, ils appliquent des sanctions corporelles souvent mortelles comme l’amputation et la lapidation contre tous ceux qui contestent leur interprétation de l’Islam.

Alors que le Conseil de sécurité des Nations unies se réunit aujourd’hui, lundi 14 janvier, la France poursuit ses bombardements au Mali. Avec quelles cibles ? Dimanche, le ministre de la Défense, M. Le Drian, a indiqué : « L’aviation de chasse française a visé et détruit (…) plusieurs cibles à proximité de Gao. Des camps d’entraînement, des infrastructures et des dépôts logistiques constituant les bases arrière des groupes terroristes » ont notamment été touchés par les Rafales français.

Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a assuré que l’avancée des milices islamistes en direction de Bamako au Sud-Est du Mali était – temporairement ou durablement ? – stoppée et que la France s’occupait dorénavant des bases arrière des terroristes dans le Nord. Selon l’AFP, les avions de chasse de la France ont menés d’autres raids dans l’extrême Nord-Est du pays, dans la région de Kidal, aux mains des Touaregs d’Ansar Dine (Défenseurs de l’Islam). Et ce n’est que le début si l’on en croit les propos de M. Le Drian…

Interviewé dimanche dans l’émission « Le Grand Rendez-vous » (I-Télé, Europe 1 et Le Parisien), le ministre de la Défense avait déclaré : « Il y a des raids en permanence. Il y en a en ce moment, il y en a cette nuit, il y en aura demain. » Pourquoi la France est-elle rentrée en guerre au Mali ? Quels sont les visées d’une telle intervention militaire ? Sont-elles vraiment justifiées ?

Pourquoi la France intervient-elle manu militari ?

Pour le ministre de la Défense, M. Le Drian, l’opération « Serval » vise quatre objectifs : 1. Stopper l’offensive  des groupes radicaux ; 2. Garantir l’intégrité du Mali en empêchant l’effondrement total des institutions ; 3. Préparer le déploiement des troupes africaines de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest) prévu cette semaine ; 4. Protéger les ressortissants français et européens présents sur place. Depuis hier, l’armée française s’est fixée un nouveau but… plus ambitieux… mais qui enfonce encore plus Paris dans la crise malienne : la destruction des bases arrière des Islamistes. Avec une première victoire pour les militaires français : la mort d’Abdel Krim, un lieutenant du chef d’Ansar Dine, Iyad ag-Ghaly, dans un raid ce week-end.

En dehors des motivations purement militaires, quelles sont les raisons de la soudaine intervention militaire de la France au Mali ? « Il y a eu une accélération spectaculaire de l’action de ces groupes [Aqmi, le Mujao et Ansar Dine] depuis jeudi. Il y avait nécessité d’agir de manière rapide », a expliqué le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, justifiant ainsi le caractère « soudain » de l’intervention. Intervention en préparation depuis mars 2012…

Depuis le coup d’Etat de Bamako contre l’ancien président malien, Amadou Toumani Touré, et l’occupation du Nord-Mali par des milices islamistes, Paris tentait de mobiliser la communauté internationale en faveur d’une intervention militaire des pays africains de la CEDEAO. Un combat diplomatique de longue haleine qui a abouti le vendredi 11 janvier 2013.

Pourquoi la France a-t-elle autant à cœur de « sauver » le Mali ? Parce qu’elle possède dans son ancienne colonie d’Afrique de l’Ouest non seulement des intérêts – économiques, avec l’uranium du Niger qui alimente près d’un tiers des centrales nucléaires d’EDF, et politiques – mais aussi et surtout des ressortissants. Or, ceux-ci sont visés depuis plusieurs années par les terroristes d’Aqmi. Huit d’entre eux sont actuellement retenus prisonniers au Sahel.

Si la France a soudainement choisi de passer à l’action au Mali, c’est qu’elle redoutait de voir le Sahel, cet immense désert qui court de la Mauritanie au Soudan en passant par le Mali, se transformer en berceau du terrorisme. Berceau à partir duquel Aqmi et ses alliés pourraient concocter des attentats antifrançais en Afrique de l’Ouest, mais aussi dans l’Hexagone.

Jean-Pierre Filiu, professeur au Centre d’études et de recherches internationales (CERI) de Sciences Po, rappelle ainsi que « lors de la création d’Aqmi [en janvier 2007], l’objectif qui lui était assigné par Ben Laden, c’était l’Europe » et notamment la France. L’ex-puissance coloniale se trouve dans le viseur des islamistes d’Al-Qaïda pour plusieurs raisons : son soutien à l’ancien président de l’Algérie, Abdelaziz Bouteflika, son intervention en Afghanistan, son interdiction du port du voile à l’école et du niqab dans les lieux publics.

Crédit photo : AFP PHOTO / ECPAD


« »

© 2024 Planete Campus. Tous droits réservés