Cameroun : les otages français sont un trophée pour Boko Haram
Un silence aussi insoutenable qu’interminable vient d’être rompu. Lundi, la famille de sept Français, enlevée le 19 février dans le Nord du Cameroun, est enfin apparue dans une vidéo publiée sur YouTube, cernée par ses ravisseurs, les membres d’une secte islamiste basée au Nigéria, Boko Haram. Qui sont ces fanatiques ? Quelles sont les revendications ?
Retour sur les événements. Il y a une semaine, jour pour jour, les sept membres d’une même famille française sont enlevés dans le Nord du Cameroun, dans une zone limitrophe du Nigéria, du Tchad, de la République centrafricaine, par des fanatiques qui se revendiquent de la secte islamiste nigériane Boko Haram. Les victimes du rapt, les Moulin-Fournier, qui résident habituellement dans la capitale du Cameroun, la « ville aux sept collines » plus connue sous le nom de Yaoundé, sont au nombre de sept, les deux parents dont l’un travaille pour GDF Suez, leurs quatre enfants de 12, 10, 8 et 5 ans, et l’oncle chez lequel il séjournait. Lundi 25 février, l’ensemble de la famille Moulin-Fournier enlevée au Cameroun est apparue (vivante) dans une vidéo postée sur YouTube.
Que montre la vidéo de la situation des Moulin-Fournier ? La vidéo, et unique preuve de vie, de la famille française kidnappée au Cameroun, puis transportée dans le nord-est du Nigéria, parue lundi sur la Toile, a immédiatement suscité la réaction du ministre français des Affaires étrangères, l’ancien-Premier ministre socialiste, Laurent Fabius. L’hôte du Quai d’Orsay a dénoncé des « images terriblement choquantes » qui « démontrent une cruauté sans limites ». Le document, une vidéo d’un peu plus de trois minutes, tournée dans un lieu inconnu, montre les sept français encerclés de trois ravisseurs vêtus de treillis, masqués et lourdement armés.
Au début de la vidéo, Tanguy Moulin-Fournier, le père de famille, qui se tient aux côtés de sa femme, de son frère et de ses quatre enfants, prend la parole en lisant une déclaration en Français. Cela prouve que, contrairement aux informations du président de la République, François Hollande, qui avait postulé la semaine passée que les Français étaient retenus « sans doute en deux groupes », les sept membres de la famille Moulin-Fournier semblent détenus ensemble au même endroit. Où ? « Probablement (…) au Nigéria » selon le Premier ministre Jean-Marc Ayrault.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=gs-NZ3zb0gA[/youtube]
Que révèle la vidéo des ravisseurs et de leurs revendications ? Les ravisseurs, qui disent appartenir au collectif islamiste Boko Haram, expliquent avoir commis ce rapt pour riposter à « la guerre contre l’Islam », menée par la France depuis le 11 janvier au Mali. Qu’en est-il vraiment ? Les revendications de ces mystérieux jihadistes restent floues… Dans la vidéo, l’un des ravisseurs s’adresse directement au Président du Niger, Goodluck Jonathan, pour réclamer la libération de prisonniers. « Si vous voulez qu’on libère ces Français, relâchez rapidement toutes nos femmes que vous détenez », demande-t-il avant de menacer : « nous mettons en garde aussi le président du Cameroun [Paul Biya, ndlr]. Qu’il relâche rapidement nos frères détenus dans ses prisons. »
Pourquoi les fanatiques de Boko Haram, si leurs revendications concernent des chefs d’Etat africains, ont-ils enlevé des Occidentaux ? Parce qu’ils constituent une bonne monnaie d’échange, selon Elizabeth Donnely, spécialiste du Nigéria au sein du cercle de réflexion Chatam House. « Quand ils demandent la libération des femmes, ils pensent à des personnes particulières, parce qu’il y a peu de femmes membres de Boko Haram », estime-t-elle dans les colonnes du Point. Car leurs revendications concerneraient exclusivement la situation au Nigéria, et non le Mali. La spécialiste, comme d’autres observateurs, émet par ailleurs un doute sur l’identité réelle des ravisseurs qui, selon elle, n’appartiendraient peut-être pas à la secte islamiste Boko Haram, mais à Ansaru, une faction dissidente de celle-ci. Mme Donnely explique que ce collectif s’est fait connaître ces dernières semaines en multipliant les rapts d’Occidentaux.
Des doutes subsistent donc… Mais, malgré l’échec des forces spéciales françaises, lancées dans une opération militaire pour libérer les sept Français, le Premier ministre reste calme. Jean-Marc Ayrault explique que la vidéo « est [actuellement] analysée par nos services qui examinent la nature des revendications ». Car celles-ci ne sont pas claires… Ainsi, certains observateurs formulent l’hypothèse d’un rapt crapuleux dissimulant des revendications exclusivement pécuniaires. Ce serait une bonne nouvelle pour Paris, incapable de négocier la libération de prisonniers africains comme de libérer militairement les otages, parmi lesquels se trouvent quatre enfants.
Photo : capture de la vidéo mettant en scène les otages français enlevés au Cameroun, postée sur YouTube.
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