Allocations familiales : aux familles aisées de payer
Les allocations familiales, qui sont actuellement versées à l’ensemble des familles accueillant au moins deux enfants, et cela quel que soit leur niveau de revenus, seront prochainement divisées par deux pour les foyers les plus aisés, si le gouvernement choisit de suivre les préconisations du socialiste Gérard Bapt, le rapporteur du budget de la Sécurité sociale à l’Assemblée nationale. Cette alternative à la fiscalisation des Allocation familiales, qui avait déclenché une levée de bouclier dans les rangs de l’opposition et au sein-même de la majorité, sera-t-elle du goût de tout le monde ? Rien n’est moins sûr…
En temps de crise, les allocations familiales qui, universelles et vieilles de 80 ans, sont versées sans condition de ressources à l’ensemble des familles françaises accueillant deux enfants ou plus, perdent leur dimension sacrée pour certains. Et notamment pour le rapporteur du budget de la Sécurité sociale à l’Assemblée nationale, le député socialiste de la Haute-Garonne, Gérard Bapt, qui a de préconisé de diviser par deux les allocations familiales des foyers aisés, lors d’un entretien publié ce mardi 19 mars dans le journal Les Echos. Une alternative à la fiscalisation, esquissée un mois plus tôt par le président de la Cour des comptes, Didier Migaud, qui intervient dans le cadre d’économies sur les prestations familiales, mais qui ne fait pas, et ce n’est pas une surprise, l’unanimité dans la classe politique.
Que propose exactement le député de la Haute-Garonne ? « Nous proposons de fixer ce plafond au niveau de celui de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant. Soit environ 53 000 euros par an pour un couple avec deux enfants, et un peu plus de 61 000 euros pour une famille avec trois enfants », détaille-t-il aux Echos, avant d’avancer un argument de poids : « cela permettrait d’économiser un milliard d’euros ».
Un milliard d’euros d’économies, c’est un pas de plus vers l’équilibre budgétaire, ce nouveau messie qui sauvera la France de la crise de la dette et que le gouvernement appelle de ses vœux pieux. Un milliard qui pourrait même se transformer en deux milliards d’euros d’économies si, comme le veut Gérard Bapt, on supprime « le complément mode de garde, qui prend en charge la garde d’enfants à domicile ou chez une assistante maternelle, pour les ménages qui dépassent ces plafonds de ressources ».
Prudent, le rapporteur du budget de la Sécurité sociale à l’Assemblée nationale, maintient que, si ses préconisations sont prises en compte par le gouvernement socialiste, « les allocations familiales ne seraient pas supprimées, [mais qu’] elles seraient seulement réduites. » Nulle remise en question du principe d’universalité donc, qui sous-tend les prestations familiales, esquissées par la loi Landry en 1932 pour booster la natalité, puis fixées dans le « marbre juridique » avec les ordonnances de sécurité sociale de l’après-Guerre. Mais une remise en cause du principe d’égalité, qui permet à l’ensemble des familles, qu’elles soient riches ou pauvres, de toucher 127 euros par mois à partir de deux enfants et jusqu’à 452 euros pour quatre enfants.
Ce principe, en plus d’être inéquitable (opposé au principe d’équité qui sous-tend nombre d’aides de l’Etat) et onéreux (30,7 milliards d’euros en 2011 pour l’ensemble des prestations familiales), charrie des effets pervers. Ainsi, la Prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) bénéficie d’abord aux 10% de familles les plus aisées qui favorisent la garde au domicile ou chez une nourrice. Pour autant, les solutions de Gérard Bapt pour réduire le déficit de la branche famille, comme celles du président de la Cour des comptes, ne sont pas du goût de tout le monde.
Ainsi, l’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy, François Fillon, interviewé au micro de RTL, a qualifié la taxation des allocations familiales de « drôle de méthode » allant « à l’encontre de l’esprit de la politique familiale française ». « C’est une décision que je ne comprends absolument pas et que je combats. Nous avons toujours considéré que la politique familiale, c’était une politique destinée à soutenir la natalité, une politique de l’enfant », a expliqué l’ancien ministre visiblement amnésique. La fiscalisation des prestations familiales a en effet été esquissée en 1995 par Alain Juppé (UMP), puis en 2012 par Bruno Le Maire (UMP), alors aux manettes du programme du candidat Sarkozy.
Et le rapporteur du budget de la Sécurité sociale à l’Assemblée nationale, M. Bapt, qui doit rendre ses préconisations au Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, à la fin du mois, ne risque pas d’être soutenu par un exécutif frileux lorsqu’il s’agit de prendre de vraies mesures sociales. Selon un conseiller, l’«initiative totalement autonome » de M. Bapt « est un peu simpliste ».
Photo : Gérard Bapt, rapporteur du budget de la Sécurité sociale à l’Assemblée nationale. AFP
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