Interdiction du voile islamique : entre laïcité et islamophobie
Alors qu’un arrêt de la Cour de cassation a récemment annulé le licenciement « discriminatoire » de l’employée voilée de la crèche privée Baby-Loup, le chef de l’Etat, François Hollande, s’est prononcé jeudi lors de son intervention télévisée, pour une loi sur le port du voile islamique au travail. Entre laïcité triomphante et islamophobie rampante, le cœur du gouvernement balance…
Mardi 19 mars, la justice a tranché : le licenciement de l’employée voilée de Baby-Loup, la crèche privée de Chanteloup-les-Vignes, dans les Yvelines, considéré comme une « discrimination », a été annulé. Une décision violemment (et immédiatement) condamnée par le ministre de l’Intérieur (et des Cultes). En vilipendant une « mise en cause de la laïcité » par la Cour de cassation, l’hôte de la Place Beauvau, Manuel Valls, a relancé l’éternel débat sur la laïcité, toujours passionné, parfois mâtiné d’islamophobie. L’employée de Baby-Loup aurait-elle été traînée ainsi sur le banc des accusés si elle avait arboré une croix catholique ou un turban sikh ? Que peut-on interdire au nom de la laïcité ? Que peut-on autoriser au nom de la liberté ?
Pour l’heure, seuls les « signes religieux ostensibles », tels que le foulard, la kippa ou la croix, sont prohibés dans les établissements scolaires. Et, depuis la loi de 2011, le port de la burqa est interdit dans l’espace public. Un champ d’application – restreint aux missionnaires du service public, tels que l’employée de la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis, dont le licenciement a été confirmé par la Cour de cassation – que veut élargir le président de la République. Pressé par Elizabeth Badinter et ses camarades pétitionnaires, François Hollande a annoncé, jeudi soir sur France 2, qu’une loi sur la laïcité était une « nécessité ».
« Dès lors qu’il y a contact avec les enfants, dans ce qu’on appelle le service public de la petite enfance, une crèche associative avec des financements publics, il doit y avoir une certaine similitude par rapport à ce qui existe dans l’école », a-t-il expliqué, jetant aux oubliettes la délimitation public-privé, tout en militant pour « un texte de consensus ». Car l’impopulaire chef de l’Etat reste soucieux que « personne ne se sente discriminé, ou lésé, ou atteint »… Avant de convaincre l’opinion, François Hollande devra d’abord mettre de l’ordre au sein même du gouvernement.
Car, si pour Manuell Valls, le port du voile doit être mieux encadré, pour le ministre de la Ville, François Lamy, ce débat aux relents d’UMP risque de blesser une partie de la population. « Depuis quelques années, nous ne construisons plus la laïcité que sur des lois d’interdits, avec des conséquences qui vont parfois à l’encontre des objectifs recherchés, en créant des clivages, des replis », explique-t-il, redoutant par ailleurs qu’une telle loi « ne pousse à la création d’écoles et de crèches confessionnelles », voire ne « rompe le travail de terrain efficace mené par les professionnels de l’éducation et les élus sur le terrain ».
Photo : la crèche Baby-Loup dans les Yvelines. Le Monde.
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