Le témoignage d’un garçon de 11 ans ébranle la ‘Ndrangheta, la mafia calabraise
Nouveau retentissement pour la mafia calabraise ‘Ndrangheta. Il y a trois jours, le quotidien italien La Repubblica publiait un édifiant article : un jeune garçon de 11 ans a dénoncé les chefs du clan de la mafia calabraise, parmi eux, son propre père.
Nous sommes dans un petit village du sud de la région Calabre, elle-même située au sud de l’Italie, appelé San Luca. C’est la zone à plus haute densité mafieuse, le centre des activités de la ‘Ndrangheta. Cette mafia est présente sur les 5 continents, son chiffre d’affaire est estimé à plusieurs milliards d’euros. Selon La Repubblica, c’est la mafia la plus puissante d’Italie. Depuis les années 1980, elle s’est orientée vers le trafic de cocaïne et de cannabis en alliance avec les cartels colombiens et mexicains. Selon le préfet de Calabre en 2005 : « la ’Ndrangheta joue le premier rôle, au niveau mondial, dans l’approvisionnement en cocaïne ».
La ‘Ndrangheta pratique tout un tas de rites, certains datant depuis plus de nombreuses années. Par exemple, pour devenir membre il faut être né d’une famille de la ‘Ndrangheta. Dès la naissance, le chef du clan lors du rituel initiatique, place une clé et un poignard de chaque côté de l’enfant. Si l’enfant touche le couteau en premier, cela signifie qu’il sera un ‘ndranghetiste ; en revanche si l’enfant touche la clé, il deviendra un magistrat, ou un homme politique corrompu. Le couteau est placé de préférence plus près que la clé.
C’est certainement ce qu’a connu le jeune garçon qui a déclaré au procureur de la région : «Mon papa faisait partie de ce clan. Le chef était Nando Cimato. On savait que c’était lui qui donnait les ordres avec la famille Bellocco». Son père se nomme Gregorio Malvese. Cet homme de 37 ans, a été arrêté l’année dernière dans le cadre d’une opération antimafia. Au cours de la perquisition, les carabiniers trouvent dans la cuisine du domicile des revolvers et des projectiles pour des kalachnikovs et des pistolets calibre 9 mm. La mère du jeune garçon, qui avait également été impliquée lors de la perquisition, décide quelques mois plus tard de collaborer avec les carabiniers, cette décision pousse son fils à dire au procureur tout ce qu’il sait. Il a apporté de nombreux détails aux enquêteurs, a désigné l’organigramme du clan, en indiquant le rôle de chacun des membres de l’organisation. Il a déclaré : «bien sûr que je sais ce que fait un mafieux. C’est un revendeur de drogue, il flingue, c’est normal… Au pays, tout le monde parle de la ’Ndrangheta, même mes amis plus âgés», a-t-il déclaré, selon des extraits de sa déposition, n’hésitant pas à ajouter : «Papa faisait ce qu’il voulait au sein du clan. C’était le bras droit du chef. […] Je sais tout sur ce que vous avez trouvé à la maison, les armes et les projectiles».
Concernant la drogue, le petit Malvaso a ajouté «j’ai vu la drogue, les armes, surtout des pistolets, jamais de fusils… La drogue, je l’ai toujours vue dans le garage. Une fois, j’ai vu de l’herbe et puis de la drogue en poudre, je ne sais pas comment elle s’appelle. Elle était blanche.» Et de poursuivre : «cette drogue appartenait à papa. Je le sais parce que, sans son ordre, rien ne se faisait. Les gens du village de San Luca [considéré comme le cœur de la ’Ndrangheta, ndlr], je les ai vus seulement une ou deux fois. Ils sont venus à la maison. Ils la vendaient, l’achetaient. Parfois, ils la vendaient à d’autres qui habitaient hors de Calabre.»
Aujourd’hui l’enfant, qui a changé de nom, est avec sa mère et ses deux frères est loin de la Calabre dans une localité inconnue, et sous protection judiciaire.
Les correspondants de France 24, Natalia Mendoza et Bernard Bedarida en Italie, sont allés enquêter au cœur de la Calabre, où ils ont pu rencontrer des enfants issus de familles de mafiosi. Ils ont réalisés un édifiant reportage :
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Source : La Repubblica.it , Libération.fr, France 24.com
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