FIFA : que restera-t-il après la tempête ?
Le chaos est total à la tête du foot mondial : Sepp Blatter et Michel Platini ont été suspendus jeudi pour 90 jours par la commission d’éthique de la Fifa et le glas des ambitions de l’ancien capitaine des Bleus à la présidence de l’instance suprême a peut-être sonné. Une explosion était attendue depuis la mèche allumée le 27 mai, quand les justices américaine et suisse ont lancé leurs enquêtes sur fond de corruption présumée à grande échelle de la Fifa, avec un coup de filet spectaculaire de dignitaires de l’instance mondiale dans un palace de Zurich.
Le dossier a rebondi avec force fin septembre : Blatter (comme prévenu) et Platini (comme témoin assisté) ont été entendus par la justice suisse, pour un paiement de 2 millions de francs suisses (1,8 million d’euros) du premier au second. Jeudi dernier, dans l’attente de son verdict final, la commission d’éthique de la Fifa a suspendu les deux hommes de toute activité liée au football au niveau national ou international, à titre conservatoire, pour 90 jours. Avec prise d’effet immédiat et une extension possible de 45 jours supplémentaires.
Platini, président de l’UEFA, a rejeté « dans leur intégralité les allégations » qui le visent, qualifiant dans un communiqué sa suspension de « farce » et annonçant son intention de saisir « les juridictions compétentes ». Le Français a reçu, dans un communiqué distinct, le soutien du comité exécutif de l’UEFA, soit le gouvernement du foot européen. Celui-ci ne voit d’ailleurs pas, « à l’heure actuelle », le « besoin » de confier l’intérim à son plus ancien vice-président (Angel Maria Villar Llona), comme prévu par les statuts.
Cette position sera-t-elle perçue comme une bravade par la commission d’éthique de la Fifa ? « C’était davantage pour dire que l’administration de l’UEFA, avec son comité exécutif, continuerait à tourner pendant la suspension du président, et que le comité exécutif a confiance dans l’issue de l’appel qui sera déposé », a précisé à l’AFP une source proche de l’UEFA. Les 54 fédérations européennes se réuniront jeudi prochain au siège de l’instance à Nyon (Suisse) pour évoquer la situation. Plusieurs fédérations, dont l’Allemagne et l’Angleterre, ont également demandé une réunion d’urgence du comité exécutif de la Fifa. À Zurich, siège de la Fifa, le ton a été différent : Issa Hayatou, vice-président senior de la Fifa, a immédiatement succédé à Blatter pour l’intérim.
Chung et Valcke également suspendus.
Blatter, par la voix de ses avocats, s’est dit « déçu que la commission d’éthique n’ait pas suivi le code d’éthique et le code disciplinaire » qui offrent à une personne mise en cause la possibilité d’être « entendue ». Dans le même temps, la commission, véritable tribunal de la Fifa, a suspendu le Sud-Coréen Chung Mong-joon, également candidat à la présidence de la Fifa, pour 6 ans. On lui reproche d’avoir voulu favoriser la Corée du Sud dans l’attribution du Mondial 2022, finalement octroyé au Qatar. Le secrétaire général de la Fifa, le Français Jérôme Valcke, soupçonné d’être impliqué dans un trafic de billets au marché noir et déjà relevé de ses fonctions, a lui aussi été suspendu à titre conservatoire pendant 90 jours.
La mise à l’écart de Platini est un véritable coup de tonnerre, car elle pourrait l’entraver dans ses projets, lui le favori jusqu’ici de l’élection prévue le 26 février pour désigner un successeur à Blatter. Cependant, tout n’est peut-être pas fini pour l’ancien capitaine des Bleus. « La candidature de Platini n’est pas automatiquement écartée, la commission électorale décidera », a en effet précisé la commission d’éthique, interrogée par l’AFP. De plus, Platini avait pris les devants jeudi matin, indiquant dans un premier communiqué avoir effectué les démarches pour « déposer » sa candidature à la présidence. Le Français, qui peut théoriquement contester sa suspension devant la commission de recours de la Fifa puis devant le tribunal arbitral du sport, devra en tout état de cause surmonter un autre obstacle : celui de la commission électorale de la Fifa, qui a le pouvoir de déclarer inéligible un candidat en vertu de plusieurs critères, dont celui de l’intégrité.
Quid de l’élection ?
Or, quelle commission mène cette enquête d’intégrité ? La commission d’éthique qui vient de le suspendre. « D’un point de vue légal, Platini peut encore se présenter, confirme une source proche de la Fifa. Mais il doit passer le test d’intégrité de la commission d’éthique gérée par ceux qui viennent de le suspendre… ».
Le sélectionneur de l’équipe de France Didier Deschamps a déclaré jeudi qu’il avait « toujours confiance » en Michel Platini. « Je ne vais pas m’étendre sur le sujet, je ne connais pas les éléments du dossier. Mais j’ai toujours confiance en l’homme qu’est Michel et ce qu’il représente », a affirmé Deschamps, à l’issue de la victoire de la France en match amical contre l’Arménie (4-0).
Blatter, 79 ans, président de la Fifa depuis 1998, est l’objet d’une procédure pénale ouverte par la justice suisse. Outre le paiement à Platini, il est accusé d’avoir « signé un contrat défavorable » à la Fifa avec l’Union caribéenne de football. Le Suisse aurait vendu très en dessous des prix du marché les droits de diffusion TV des Mondiaux 2010 et 2014.
Les mises à l’écart définitives de Chung et provisoire de Platini ne laissent plus sur le terrain que des postulants de second ordre, comme le prince jordanien Ali bin Al Hussein, l’ancienne star du football brésilien Zico ou encore le président de la Fédération du Liberia Mussa Bility. Un outsider pourrait toutefois se déclarer : le Sud-Africain Tokyo Sexwale, ancien compagnon de cellule de Nelson Mandela, nommé récemment à la tête du comité de surveillance de la Fifa pour Israël et la Palestine. Cette nouvelle secousse tellurique pourrait-elle aller jusqu’à remettre en cause la tenue de l’élection présidentielle du 26 février ? « Ce sera décidé très prochainement », a indiqué à l’AFP un proche collaborateur de Blatter. Pour une autre source familière du fonctionnement de la Fifa, au contraire, « la Fifa a plus que jamais besoin d’une élection avec des candidats qui présentent un programme et avec un vrai débat public sur son avenir et sur l’avenir du football ».
Source AFP.
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