Céanothes et Potentilles : un roman fleuri au style enchanteur
Martine Pagès signe avec ce premier roman une histoire touchante, émouvante et souvent drôle, dont seule notre époque a le secret. A découvrir pour un joli moment de tendresse et de littérature, et à poursuivre avec l’interview exclusive que l’auteur nous a accordée.
Blanche n’est ni belle ni laide, juste ronde comme il faut pour accueillir la tendresse. Heureuse ? Vaste question. Elle traîne sa vie comme son ennui, elle manque d’un amour inconditionnel, celui avec le grand A. Passionnée par les fleurs… Rangée numéro 7, c’est son refuge au magasin Pep. Si vous cherchez, vous la trouverez certainement entre les roses, les céanothes et les potentilles… Mais personne ne la regarde. Jour après jour, elle se heurte à l’indifférence… serait-elle invisible ? Il faut savoir provoquer le destin ! Blanche ne va plus attendre que le prince arrive sur son fier destrier, elle va passer à l’attaque. On ne peut compter que sur soi-même, après tout ! Stratégie machiavélique, plans extrêmes… jusqu’où peut nous mener la solitude ? La folie n’est parfois qu’à un seul pas de la tragédie…
Ne vous fiez pas au texte (assez médiocre stylistiquement parlant, il faut bien l’avouer) de la quatrième de couverture. Martine Pagès a une plume, de celles que l’on reconnaît au premier coup d’œil, de celles qui font honneur à la littérature française.
Une de ces plumes qui savent illuminer une existence grise, un personnage moyen, une personnalité morne. Car il faut bien l’avouer : Blanche n’a aucun intérêt, à part celui d’exister par les mots choisis de Martine Pagès. Aucun intérêt, et pourtant… on s’y attache, à Blanche.
Car Blanche, finalement, nous ressemble. Elle a des kilos en trop, un job qui lui apporterait entière satisfaction s’il n’y avait pas ce responsable un peu pénible, elle a une passion (les fleurs), et elle est tombée amoureuse de son voisin qui semble superbement l’ignorer. Ses efforts désespérés pour lui faire entendre raison sont touchants, et on sourit tendrement en pensant à un amour déçu. On en a tous.
Mais attention : Blanche n’est pas toute blanche, elle a des défauts. Et c’est pour ça qu’on l’aime tant. Elle est une de ces voisines qui mettent la musique à fond jusqu’à pas d’heures, se moquant éperduement de la nuisance que cela peut occasionner. On la déteste aussi un peu, du coup. Mais on la comprend tellement bien…
Martine Pagès a l’art et la manière de sublimer une situation non seulement banale mais également douloureuse. Cette solitude ineffable, elle la raconte avec humour et poésie. Le style est énergique, les idées s’enchaînent dans des fondus qui laissent parfois coi, et la forte personnalité de l’auteur se devine via des tournures toujours plus exigeantes, mais d’une fluidité sans égale.
Et pour preuve :
« Le rouge immonde au front, les joues assorties. Dans ces situations d’émotion il n’y a pas de roses qui tiennent, juste une banale couperose, due aux sensations extrêmes et à une mauvaise gestion des choses de l’amour. Enfin, l’amour, c’est vite dit, est-ce qu’un sourire vaut une promesse ? Il existe un langage des roses ; pour autant, comment convertir son sourire en prose ? Il l’a émue, la belle affaire ! Oui mais alors, les bébés sourient bien aux anges, les hommes ont bien un motif, eux aussi. On ne sourit pas à quelqu’un sans dessein, elle a bien le souvenir de la direction de ses yeux. Je, soussignée Blanche, soutiens que son humeur allait dans mon sens. Je, et encore Je. Elle se sent voler, dans des sphères que vous ne soupçonnez pas, au-dessus des plantations en serre, sur le nuage de droite, celui qui promet de la pluie mais s’en garde bien de peur de faire tache dans son décor. L’ironie du climat a raison de tant de choses, dont celles de notre coeur, quand la foudre a son mot à dire. Elle adore les orages et le pouvoir inouï des éclairs. Le journal parlé a évoqué le risque de foudre. Elle n’a pas peur, bien au contraire. » (p.21)
Deux fois lauréate de concours de nouvelles (Vol de Nuit 2007 et concours Volpilière 2008), Martine Pagès nous livre là un roman court – ou serait-ce une longue nouvelle ? – sur une amoureuse des fleurs avec une chute qui ne saurait être déflorée. Elle en est d’autant plus terrible que le style particulier de l’écrivain ne nous la laissait pas présager – et c’est là tout son art littéraire.
Finalement, le seul bémol se trouve au niveau de l’édition : si le texte de quatrième de couverture n’est pas à la hauteur et peut refroidir le lecteur potentiel, la couverture (voir photo) trompe sur la marchandise. Les fleurs ne sont ni des céanothes, ni des potentilles, et la jeune fille qui les tient est à mille lieues du personnage de Blanche.
Une fois ces considérations de packaging écartées, il est néanmoins très doux d’ouvrir ce petit roman. « J’ai mis tout de moi », nous avoue Martine Pagès dans l’interview qu’elle nous a accordée. On la croit aisément.
En tout cas, ce livre semble parti pour un joli succès : vous pouvez retrouver Céanothes et Potentilles chez tous les bons libraires évidemment, mais également en cette fin de semaine au Premier Salon du Livre de Cergy-Pontoise, au centre commercial des 3 Fontaines. Martine Pagès sera fidèle au poste, et se fera une joie de vous dédicacer un exemplaire de son livre le jeudi 8, le vendredi 9, et le samedi 10 avril 2010.
PAGES Martine, Céanothes et Potentilles, Editions Volpilière, 2010, 89 pages. 11 euros.
En dédicace les 8, 9, 10 avril 2010 au Premier Salon du Livre de Cergy-Pontoise, centre commercial « Les 3 Fontaines »
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