Puisque quelqu’un m’attend de Sandrine Catalan Massé

Sauvée d’une noyade par une main inconnue et totalement amnésique, Andréa se retrouve enfermée dans un hôpital psychiatrique. Un lieu hostile à ses yeux tant les personnages présents sont plus atypiques les uns que les autres : Ana, une jeune fille qui mange ses cheveux, monsieur Lamotte, un homme âgé qui semble redécouvrir Andréa tous les matins, Georges dont la main gauche vit sa propre vie, Joséphine atteinte du syndrome de Diogène, Baptistine, la vieille dame qui prend son doudou pour son bébé, Denis le misophone, Marcus le moins bizarre de tous qui est là pour dépression.

Consciente d’être à part, Andréa se sent en décalage avec ces pensionnaires pour le moins étranges…Et si au départ elle est terrorisée par « ces fous » qui l’entourent, peu à peu, et grâce à eux elle va peu à peu modifier son regard sur la différence. Ses peurs, ses préjugés elle les surmontera. N’ayant plus aucun souvenir de son passé, Andréa va devoir redessiner l’histoire de sa vie. Qui est-elle au juste, est-elle seule au monde ? Personne ne semble se soucier de sa présence, aucun visiteur pour prendre de ses nouvelles. Mais y a-t-il seulement quelqu’un qui l’attend quelque part ? Au fil du temps, elle se découvre empathique et généreuse envers ces résidents qui à leur façon toute particulière modifient son regard sur le monde, elle s’attache à eux, ces « fous » que la vie n’a pas épargnés. Elle se demande également s’il est possible de tout changer…

Des retours sur sa vie passée permettent de dessiner les contours de la femme qu’elle a été avant l’accident. Et elle se retrouve à la croisée des chemins. Des chapitres intéressants s’intercalent ainsi qui évoquent son couple, son enfant, son envie de changer de vie, ses projets familiaux. L’histoire d’Andrea, c’est une histoire de découverte de soi, de reconstruction, de réflexion sur ses désirs profonds, ses priorités.

Sandrine Catalan Massé a choisi pour toile de fond cet hôpital psychiatrique et c’est une formidable leçon de vie sur le droit à la différence…et sur la lente reconstruction d’une femme qui à la croisée des chemins, modifie son regard sur les autres mais également sur elle et sur la vie. Sont aussi abordées les différentes techniques pour surmonter les soucis de santé mentale, telles l’hypnose ou l’Emdr. C’est un beau roman sur les vicissitudes et l’érosion du couple. Andréa va alors reprendre un nouveau souffle et se réinventer.

 

Rencontre avec Sandrine Catalan-Massé

L’action se déroule dans un hôpital psychiatrique et l’on y côtoie des personnages malmenés par la vie. Comment vous est venue cette idée ? Vous avez pu visiter ce type d’unités singulières ?

L’idée est venue assez naturellement. Je voulais raconter l’histoire de ce couple en chute libre comme un thriller. Je souhaitais que mon héroïne Andréa, qui se retrouve amnésique, livrée à elle-même seule, dans un hôpital psychiatrique, réalise un chemin initiatique, qu’elle se pose les bonnes questions, qu’elle analyse sa vie et ses éventuelles erreurs commises par le passé. Pour cela il me fallait trouver un lieu clos duquel Andréa ne puisse pas s’échapper ou fuir son histoire. Je voulais aussi qu’elle soit aidée dans sa reconstitution personnelle par des personnages forts, qui ne la ménagent pas, la bousculent par leur sensibilité à fleur de peau et qui l’obligent plutôt à se dépasser. Les résidents de cet hôpital avec leur pathologie mentale, leur vision décalée et sans filtre de la vie me semblaient tout indiqués. Il était important pour moi de ne pas les grimer pour autant. J’ai donc mené un travail d’investigation auprès de familles de malades, de personnes amnésiques et de médecins pour rester le plus proche possible de la réalité.

Andrea, la protagoniste, se montre au départ hostile et on peut comprendre ses craintes, puis elle se lie fortement à chacun d’entre eux. C’est un beau message de tolérance…

Oui, plus je parle de l’histoire de Puisque quelqu’un m’attend aux lecteurs, plus je me rends compte qu’il y a une double histoire dans mon roman. Celle d’Andréa et de sa vie de couple qui part en lambeaux mais aussi une histoire sur la peur de la différence que nous pouvons tous éprouver à certains moments de notre vie.

Andréa a d’abord peur des résidents peu commodes, parfois même effrayants avec leurs réactions imprévisibles. Puis, peu à peu, elle aperçoit toute leur beauté et leur richesse humaine. Je voulais montrer que si l’on gratte un peu le vernis, si on va au-delà de nos préjugés, on peut faire de très belles rencontres.

Les méthodes que vous évoquez pour soigner des traumas comme le EMDR, il était important pour vous de les aborder ?

Important je ne sais pas mais c’est le moyen que j’ai choisi pour aider mon personnage à retrouver des bribes de sa mémoire. L’EMDR, l’hypnose sont effectivement des méthodes formidables en cas de traumatismes psychiques plus ou moins profonds.

Nous sommes un media destiné aux étudiantes, aux étudiants. Qu’aimeriez-vous leur dire à travers ce livre si sensible ?

Peut-être leur rappeler que le couple est une aventure qui vaut le coup d’être vécue… Qu’il n’y a pas de couple lisse ou sans histoire, que de croire qu’il ne va jamais y avoir des hauts et des bas au cours d’une vie à deux, est une chimère. Une vie de couple est forcément parsemée de conflits, de remises en question et c’est par cet ajustement constant que deux êtres fondamentalement différents mais avec un idéal commun, peuvent avancer sans se lâcher la main.

Quelles sont vos habitudes d’écriture ?

Elles sont proches du travail d’étudiant, je trouve. Quand je suis en période d’écriture d’un roman, j’aime travailler le matin durant plusieurs heures dans mon bureau. Pour me concentrer, j’ai besoin de calme voire du silence total ce qui me permet de laisser mon esprit s’échapper sans être captée par les bruits du quotidien. Mon imagination peut alors se mettre en route. J’écris sur mon ordinateur ce qui me permet d’écrire au rythme de ma pensée et des idées qui arrivent dans ma tête. Ensuite, je laisse reposer mes écrits du matin et les reprends et les affine le lendemain. J’utilise beaucoup de fiches bristol ! Sur chacune d’elles, je note un chapitre et tous ses détails. Ainsi, je ne me perds jamais dans la chronologie de mon récit (surtout s’il y a des flash-back comme dans Puisque quelqu’un m’attend). L’écriture est un travail de longue haleine demandant plusieurs mois d’isolement (un peu comme un étudiant en pleine révisions d’examens). Quand un livre est terminé, j’ai besoin d’espace, de bouffée d’oxygène. Je ressens la nécessité d’aller vivre des choses à l’extérieur pour reprendre mon souffle, m’inspirer de l’air du temps, me recharger et, peut-être, avoir à nouveau l’envie d’écrire.

 

Puisque quelqu’un m’attend de Sandrine Catalan Massé – Editions Eyrolles – Janvier 2025

 

 

 


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