Vives rivalités sur les rives de Venise : Titien, Tintoret, Véronèse
Au Louvre sont actuellement exposés 85 chefs d’œuvre de la peinture vénitienne du XVIème siècle. L’angle problématique du commissariat d’exposition est original : analyser le principe d’émulation comme catalyseur créatif. Essentiellement centrée sur les trois maîtres de l’époque, Titien, Tintoret et Véronèse, cette exposition met en lumière les enjeux commerciaux et esthétiques de l’âge d’or vénitien. Passionnante, bien accrochée, présentant des pièces majeures, Rivalités à Venise est incontournable.
« Quand la nature crée un homme éminent en ce domaine, elle ne le crée généralement pas seul, mais lui suscite en même temps un rival, afin qu’ils puissent profiter mutuellement de leurs talents et de leur émulation. » (Giorgio Vasari)
Un contexte favorisant l’effervescence intellectuelle
Venise, XVIème siècle. Les commandes affluent de toutes parts : mécènes, église en pleine Contre-réforme , confréries (les scuole), la demande s’oriente alors naturellement vers des sujets mythologiques et religieux. Ainsi, une pléthore de Vénus au miroir côtoie de multiples Danaé fécondées par une pluie d’or (remerciement imagé des largesses des commanditaires) qui jouxte elles-mêmes plusieurs Tentations de Saint-Antoine.
Mais des maîtres de génie comme Titien, Tintoret ou Véronèse ne se laissent pas inhiber par des sujets et réussissent à se démarquer grâce à une ligne esthétique propre.
Particularités esthétiques
Les différentes déclinaisons d’un même thème deviennent passionnantes dès lors qu’on les met en regard. L’on peut alors comparer les différents styles esthétiques. Véronèse peint une chair torturée, noueuse et maîtrise le raccourci en mouvement avec maestria ; la magie chromatique du Titien confère à ses tableaux une langueur divine.
Une des salles les plus remarquables, Les nocturnes sacrés, présentent des tableaux à l’ambiance crépusculaire sur la vie christique mettant en exergue les différents traitements : théâtralité, figures exsangues et morbidité chez Véronèse, luminisme éclairant un monde qui s’éteint chez Bassano, réalisme de la souffrance chez Titien, idéalisme chez Tintoret.
Pièces majeures
A contrario de maintes expositions qui se servent de noms prestigieux pour allécher le chaland mais présentent des pièces mineures, Rivalités à Venise regorge d’œuvres maîtresses.
L’on peut y contempler par exemple l’un des plus beaux Tintoret Suzanne et les vieillards, tableau à forte charge érotique dans lequel Suzanne, un pied dans l’eau, son corps virginal reflété par les ondes, les cuisses légèrement entrouvertes, est épiée par des vieillards profitant de la luxuriance du jardin pour cacher leurs pulsions voyeuristes.
De tableaux plus sublimes les uns que les autres, les maîtres rivalisent de génie. Un enchantement pour le regard.
Rivalités à Venise
Musée du Louvre, Hall Napoléon
Métro Palais Royal/Musée du Louvre
Ouverture tous les jours, sauf le mardi.
De 9h à 18h et jusqu’à 20h le samedi
Tarif : 11 euros.
Crédits photos : Danaë, Titien, 1544 – 1546, 120 x 172 cm, Naples, Museo di Capodimonte, inv. Q134
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