Danse contemporaine : Boris Charmatz présente « 50 ans de danse »
Boris Charmatz, représentant du mouvement français de la non-danse, présente 50 ans de danse au Théâtre des Abbesses, jusqu’au 12 décembre. Hommage à Merce Cunningham, ce spectacle décline par décennies le travail du chorégraphe américain, ancien élève de Martha Graham, qui a révolutionné la danse contemporaine.
Celui qui a offert à Boris Charmatz pour Noël l’ouvrage Merce Cunningham, un demi-siècle de danse, ne se doutait certainement pas que son présent allait susciter une pièce : 50 ans de danse, en hommage au grand chorégraphe américain.
Boris Charmatz est un jeune chorégraphe appartenant au mouvement contemporain de la non-danse (refus des codes habituels de la chorégraphie et refus de la virtuosité, mise en valeur des interprètes, mise en avant des corps, réflexion sur la condition du spectateur). Certains critiques refusent cette appellation de non-danse et parlent plutôt, à l’instar de Laurence Louppe, de « corps critiques ».
Une pièce dominée par les aléas
Influencé par John Cage, son compagnon, Merce Cunningham utilise le hasard pour créer ses pièces, par exemple en lançant des pièces pour déterminer l’ordre de passage des tableaux de son spectacle 16 danses pour soliste et compagnie de trois (1951). Autres innovations notoires : le temps n’est plus celui de la musique, mais est intérieur et chaque danseur sur scène est un soliste.
La pièce 50 ans de danse de Boris Charmatz, minimaliste, reprend les mouvements de certaines des pièces de Merce Cunningham. Pour la créer, en référence au maître, le jeune chorégraphe a combiné au hasard différentes pages du livre Merce Cunningham, un demi-siècle de danse et les a mises en scène. C’est pourquoi l’on voit les interprètes prendre la pose comme s’ils étaient photographiés. Immobiles, figés en plein mouvement, sur la même ligne, ils feraient presque penser aux décompositions du mouvement du photographe Eadweard Muybridge.
Harmonie de la dissonance
Fondé sur l’aléatoire et la combinatoire, le résultat est étrange.
Les sept danseurs ont souvent une interprétation autonome. Certains s’agitent en tous sens tandis que d’autres grimpent aux murs ou miment une crise d’épilepsie. Gestes saccadés, changements rapides de mouvement, la pièce est fortement séquencée.
Même les costumes ne sont pas assortis : l’on aperçoit des tenues zébrées, dorées, fuchsia, vert sapin ou même entièrement chair.
En outre, pour ajouter à ce melting-pot conceptuel, 50 ans de danse tente des incursions dans le domaine du théâtre : les danseurs rient, miment, déclament. Le cinéma est également convoqué : l’on entend par exemple le bruit d’une bobine de film en avance rapide.
La musique, pour ne pas déroger à la règle cunninghamienne, s’est autonomisée. Parfois indépendante des mouvements des danseurs, elle met en place un univers hostile. Les machines crient un son saturé : larsens, grésillements de radio, voix métalliques et brutes, batterie énervée, toute l’énergie rock des sixties aux nineties est restituée, en un concert dissonant. Des cris d’animaux se font entendre, de l’animal sauvage à la meute farouche. Parfois, la délicate musique d’Erik Satie se fraie, démontrant que l’harmonie est possible parmi la discordance.
La question de la citation
Aux délicates notes du piano d’Erik Satie, la boucle est bouclée : Erik Satie, qui inspira John Cage, qui inspira Merce Cunningham, qui inspire Boris Charmatz.
Multi-référentielle, cette pièce de Boris Charmatz n’est pas sans poser la question de la transmission du répertoire et de la citation.
50 ans de danse
De Boris Charmatz
Jusqu’au 12 décembre 2009
Théâtre des Abbesses
31, rue des Abbesses, 75018 Paris
De 12 à 23 euros
Crédits photos : © David Bergé
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