Cinoptique : les plus courts sont les meilleurs
Cinoptique est une association de jeunes cinéastes offrant des espaces de diffusion aux réalisateurs de courts-métrages. Créée il y a trois ans, ayant acquis sa forme définitive il y a un an et demi, cette structure propose des séances de projection de courts, une expérience hybride Scène-Ciné ainsi qu’un festival de quinze jours dans le cadre du Festival Off d’Avignon en juillet. Interview de Florine Clap, présidente de l’association.
Quelle est l’ambition de Cinoptique ?
Au départ, nous voulions aider à la production de courts-métrages. Ce fut une erreur car la structure associative est trop faible économiquement pour soutenir un tel projet. Finalement, nous avons choisi de présenter des films. Notre ambition est de faire une vraie sélection, car nous avons trop souvent été déçus par les sélections de festivals étudiants de courts-métrages. Nous voulons diffuser des films avec une vraie démarche narrative, une vraie idée. Le manque d’argent ne peut être prétexte à faire un mauvais film. De nos jours, on peut tous avoir à disposition une caméra numérique. Il est évident qu’un film produit avec deux mille euros aura des lacunes (sachant qu’un court-métrage professionnel coûte entre cinquante et cent mille euros) mais si l’idée est là…
Votre sélection n’est pas diffusée sur votre site Internet. Est-ce un choix ?
Au tout début de l’association, nous voulions diffuser l’intégralité de la sélection sur Internet. C’est non seulement très compliqué pour des raisons techniques, mais à la réflexion, nous avions envie d’un rendez-vous avec le public, comme par exemple avec l’expérience Scène-Ciné que nous proposons (ndlr : spectacle hybride, mêlant arts vivants et création cinématographique). Nous aimerions dénicher des lieux étonnants dans Paris pour que le public découvre une atmosphère. Il faut que cela reste exceptionnel pour préserver la démarche du spectateur qui se déplace pour aller voir des courts-métrages. Cependant, les trois films ayant reçu le Prix Cinoptique ainsi que le film ayant reçu le Prix du Public à Avignon seront diffusés sur notre site.
Organisez-vous, durant ces projections, des rencontres avec les réalisateurs ?
Nous aimerions. Il nous semble important que les réalisateurs sachent comment réagit le public à leur production. Chaplin se rendait souvent aux projections de ses films et était étonné de constater que les spectateurs riaient aux moments que lui ne jugeait pas comiques et vice-versa. Cela sera aussi intéressant pour le spectateur que le réalisateur explique sa démarche, sans que cela ne justifie les manquements de certains films. À terme, nous voudrions mettre en place un système d’émulation intellectuelle autour des films en créant un blog où les spectateurs pourront écrire des commentaires et les réalisateurs y réagir. Ce blog sera supervisé par un comité de rédaction.
Pensez-vous que le système interactif du blog des spectateurs va faire infléchir, inconsciemment ou non, votre sélection vers leurs desiderata ?
Si notre sélection déçoit, il va falloir comprendre pourquoi.
Mais qui doit être juge d’un film : le spectateurs ou l’expert ? N’avez-vous pas peur de tomber dans l’écueil d’une sélection qui satisferait le public au détriment de films qui prendraient des risques (esthétiques, narratifs, etc.) ?
Notre public est, de toute façon, un public qui a l’œil « fait » au court-métrage. Et notre sélection reste très expérimentale. Nous savons bien ce qui fonctionne : ce sont les comédies, les clips musicaux et les films d’animation. Mais nous ne choisissons jamais un film en fonction du public : nous le choisissons toujours en fonction de sa qualité. Ensuite seulement, dans un deuxième temps, nous nous intéressons à la réaction du public. D’ailleurs, nous aimerions avoir de la fiction, mais les réalisateurs ne nous proposent que de l’expérimental.
Peu de films de fiction, beaucoup d’expérimentaux. Avez-vous des propositions de courts-métrages à message politique ?
Pas un seul. C’est peut-être symptomatique de notre génération.
Quelles sont les limites éthiques de votre sélection, par rapport à la violence, la pornographie, etc. ?
Nous n’avons presque pas reçu de films qui nous ont posé problème. Seul en ce moment, un film est problématique : le réalisateur met en scène des symboles religieux et nazis, de manière ambiguë. C’est un peu gênant de ne pas en saisir le propos.
Vous ne demandez pas de note d’intention quand on vous propose un film ?
Nous faisons aussi une sélection en cherchant par nous-mêmes, sur Internet. Ce film en fait partie.
Les retombées de vos soirées de projection sont-elles bénéfiques pour les jeunes réalisateurs que vous promouvez ?
Pour l’instant, nous sommes une petite structure donc les retombées sont moindres. Mais j’espère que dans le temps, nous serons considérés comme une association audacieuse, qui sait repérer de jeunes talents. Nous songeons à inviter de jeunes producteurs aux projections.
Et la presse ?
On y travaille. Mais la presse généraliste ne se déplace pas, elle ne fait pas la démarche de découvrir.
Que pensez-vous du cinéma sous licence libre, c’est-à-dire lorsque les réalisateurs mettent gratuitement leurs œuvres à disposition du public ?
Internet offre des possibilités de diffusion énormes aux réalisateurs. Le souci est que le spectateur se rend moins dans les salles, ce qui est préjudiciable aux distributeurs. Mais finalement, cela s’équilibre. En effet, les films téléchargés sont souvent de grosses productions. Les personnes qui vont voir des films d’art et d’essai téléchargent peu car elles aiment aller au cinéma, elles aiment leurs salles. De plus, il est vraiment difficile pour un premier métrage de trouver un distributeur. Je comprends que le réalisateur fasse le choix de contrôler sa propre diffusion. Cependant, produire un film coûte tellement cher, qu’il est légitime qu’il y ait un retour financier pour le réalisateur à un moment donné.
Prochain rendez-vous le 29 mars 2010 au Théâtre Mouffetard pour Scène-Ciné.
Site Internet de l’association : http://www.cinoptique.com/
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