«L’Amant » de Harold Pinter : les interludes illégitimes
Harold Pinter, prix Nobel de littérature en 2005, a écrit en 1962 une pièce ambiguë : L’Amant. Actuellement présentée au Café de la Danse, cette pièce à l’humour abrasif met en scène Richard et Sarah, couple heureux en mariage. Seulement, certains après-midis, Sarah reçoit Max, son amant, pour quelques troubles interludes. Richard le sait et s’en accommode. Qui est cet amant si peu dérangeant ? A quels jeux pervertis jouent donc Richard et Sarah ?
Une scène d’un blanc clinique. L’appartement de Richard et Sarah, couple idyllique marié depuis dix ans. Tous les matins, le même rituel : Sarah réveille tendrement Richard, le couple déjeune devant la télévision, puis Sarah aide Richard à s’habiller. Ils dansent sur « Can’t take my eyes off of you » tout en se préparant, sans se départir d’un sourire trop marqué pour être sincère. L’on pourrait se croire dans une comédie musicale de Stanley Donen (surtout lorsque Richard, se saisissant de son parapluie, effectue un rapide jeu de jambes, clin d’œil au héros de Singing in the rain). Mais la chanson déraille car elle est chantée a cappella par un étrange personnage au xylophone, planqué parmi le public. La voix ironique de ce bouffon, réjouissante et grotesque, donne le ton : ce sera cynique et drôle ou ça ne sera pas.
Puis l’obscurité se fait et l’amant « vient ». Le personnage grinçant chante faux et fort « Come on baby light my fire » avec des incursions dans le bestial, à l’instar de Screamin’ Jay Hawkins. Les après-midis illégitimes se succèdent jusqu’à ce que Richard n’en puisse plus. Le soir, la gêne s’installe. Les lustres vacillent et viennent éclairer par intermittences des visages qui se cachent. Des rires factices de crécelle raillent l’air. Quelque chose éclate.
Alors, le jeu amoureux des masques s’installe. Le champ est prêt à la bataille des corps.
Théâtre de la cruauté amoureuse
Cette cruauté dans le jeu amoureux n’est pas sans rappeler le maître en la matière Leopold Von Sacher Masoch et sa Vénus à la fourrure. Aussi distingués et cruels, les jeux de L’Amant sont servis par une mise en scène à l’esthétique glacée. Des escarpins rouge sang, des pétales de rose incarnats émaillent un décor d’un blanc virginal, épuré, laissant toute latitude à l’expression des corps. Là, c’est Sarah qui fait un strip-tease en déshabillé rouge et perruque noire, ici, c’est Richard qui traque Sarah…qui devient alors bête effarouchée.
Les jeux d’ombres projetées rappellent, selon leur taille, qui domine, de Richard ou de Sarah, de l’amant ou de la maîtresse.
L’humour est guindé, grinçant, hilarant. Les mises en abyme, absurdes, très « humour british », apportent des touches de légèreté à un scénario qui jamais ne tombe dans le mélodrame mais sait conserver une mise à distance suffisante pour que le spectateur prenne son pied…sans complexes.
L’Amant
De Harold Pinter
Compagnie BordCadre
Les 28, 29 et 30 décembre à 20h30
Café de la Danse
5, passage Louis Philippe, 75011 Paris
De 12 à 19 euros
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