Thomas Dutronc : de Paris au manouche

J’aime plus Paris, vous connaissez ? Oui, Thomas Dutronc, le fils de Jacques…Stop on oublie. On efface, on réécrit le tableau, et l’on espère proposer ici un regard un peu plus entier sur ce (très beau) chanteur et guitariste épris de liberté.

Un musicien qui nous offre un film musical, un CD live pour son spectacle ‘Comme un manouche sans guitare’…Et qui chante.

Pour le DVD, on a tout fait en trois mois avec deux arrangeurs, c’était difficile, mais ça marche. Malgré tout ce qu’on raconte avec internet aujourd’hui, on ne peut pas vraiment faire de scène sans disque. Déjà un peu sur mon nom de famille, on a réussi à avoir quelques dates, mais on n’arrivait pas à décoller du tout. Mon idée, c’était de faire un DVD, pas un CD. Mais un DVD, tout le monde s’en fout un peu…On ne m’a pas demandé de chanter ni rien, mais j’avais envie d’écrire des textes, la musique un peu aussi, et puis en les chantant moi, je me suis dit que c’était pas plus mal.

Le support propose un film travaillé et mis en scène, avec de grands espaces naturels…

Ce sont des endroits auxquels j’étais attaché. Je ne sais pas si ces espaces correspondent à ma musique, pourquoi pas…En tous cas ce sont des endroits qui me touchent et qui vont bien avec notre ambiance. Le moment où l’on joue tout nus aussi, c’est l’une de mes brillantes idées (rire)…Et pendant quinze jours, matin, midi et soir, on a bossé dessus. A la fin j’ai cru que j’allais faire une crise nerveuse. Je me suis vraiment investi dans ce projet, comme dans tous mes projets, parce que j’aime travailler, et ça me tient à coeur de faire quelque chose qui me correspond.

S’appeler Thomas Dutronc, fils de Jacques Dutronc et de Françoise Hardy…

C’est une chance. De famille, c’est vrai qu’il y a comme une tradition. Une famille assez musicienne, les Dutronc : est-ce qu’il y a un gène de la musique, je ne sais pas, une sensibilité en tous cas. J’essaie de me guérir aussi, il y a une fibre comme ça…On ne parle pas vraiment des choses mais on se sert de la musique pour s’exprimer. Il faut savoir l’écouter, maintenant je suis dans le rayon pop, chanson, mais ce que j’aime avant tout c’est la musique, l’instrument. Et puis le nom ça peut être bien, mais aussi dangereux. Et pour ce que nous faisons, il n’y a rien à faire, il faut savoir jouer de la guitare. C’était tout l’intérêt, cette idée de faire mes preuves en tant que musicien.

Ecouter du jazz manouche et Django Reinhardt…

Je suis très fier qu’on m’associe au jazz manouche, c’est ce que j’aime et je me suis fait dans ce milieu-là, pas uniquement musicalement. Cela dit sur mon disque, j’essaie de m’en éloigner parce que c’est beaucoup plus simple de faire des chansons que du Django. Pour les manouches, c’est une vraie tradition, faire des textes, parler, être écouté…J’ai découvert les années 30 et 40 à 18 ans seulement. J’étais à la recherche d’une maturité. Je me suis mis à lire, à écouter des tas de choses et j’ai découvert Reinhardt. Pour moi, c’était l’élément parfait qui me donnait une cohérence.

Mais quelle est donc la magie de ce maître de la guitare, inspirateur de tous…

Mon spectacle commence avec l’un de ses chorus justement, sur le cd live. Il est fabuleux, mélodiquement et rythmiquement unique, c’est une sorte de génie qui vient d’on ne sait où…Le jazz, c’est toujours un peu la même chose en un sens, parce que le travail des uns et des autres est toujours repris et retravaillé. Mais Reinhardt, impossible de s’en lasser. Ninine Garcia, un guitariste que j’aime beaucoup, qui a composé un titre sur l’album (Veish A No Drom, ndlr), me disait que tout le monde ne peut pas s’appeler Django, mais que ce qui est important, c‘est trouver sa voix, son petit caractère personnel, même modeste. J’ai eu envie de faire un disque qui me ressemble, avec des blagues, du Django, des frites et des chansons un peu pop.

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Etre amoureux d’une guitare, qu’est-ce que ça signifie…

C’est un instrument qui m’a toujours plu. Il représente beaucoup de liberté, tu peux partir juste avec ta gratte à l’autre bout du monde. Je n’avais pas envie d’être un numéro dans une entreprise, prendre le métro le matin, ça me faisait très peur. J’étais un peu hippie, je ne voulais surtout pas faire ça. Le monde moderne ne me convient pas, ce n’est pas celui de nos parents. L’autre jour on a dormi dans une chaîne d’hôtel, un truc uniformisant, sans âme, et là tu te dis…Si tout devient comme ça, c’est flippant quand même…Parce qu’on est de plus en plus nombreux, qu’il y a des gens qui font des études de marché…Je suis contre tous ces trucs-là et comme tout le monde, j’aime les gangsters qui réussissent.

Est-il possible d’échapper aux carcans du monde moderne ?

Je pense qu’il faut travailler, c’est tout. Et je crois qu’on a encore la chance de pouvoir faire quelque chose, on n’est pas complètement dans un monde de fous. Mais on peut basculer très vite. Et notamment Paris a basculé en quelque chose qui vaut très cher, qui est difficile, ghettoïsé, ethnique et fric…Les gens se rendent-ils compte ? C’est une science fiction qui date des années 70, mais on y est…Enfin je pense qu’avec beaucoup de volonté, du caractère et de la passion on peut encore arriver à quelque chose. Nouer un contact avec un maître dans un domaine par exemple, en tous cas j’ai encore la naïveté d’y croire. C’est kit ou double cela dit, il faut surveiller ses arrières, au bout de dix ans tout peut changer.

Ce spectacle arrive à sa fin…

La dernière date, c’est le 19 décembre ! Ce qui est amusant, c’est qu’on fait des trucs qui datent du début, par exemple les suites de Bach trois ans après ça nous fait encore marrer. On est quand même un peu dingues. Et puis l’aventure de la route est géniale. Etre avec les amis musiciens évidemment, mais aussi avec les techniciens qui ont tous des parcours rock’n’roll…En choisissant vaguement cette voie de la guitare, je me retrouve à bosser avec des gens que j’apprécie beaucoup. On a appris énormément, les gens qui viennent sont toujours très surpris. Je ne sais pas à quoi ils s’attendent. Il est vrai qu’on a un niveau instrumental qu’on n’a pas cherché à prouver sur l’album.

Mais à quoi les gens s’attendent-ils ? Quelle est l’image de Thomas Dutronc ?

Je ne sais pas. C’est un peu pour ça que je suis en porte à faux avec le discours médiatique. Nous sommes surpris de voir comme les médias nous réduisent à un single, comme ‘J’aime plus Paris’. Il y a une difficulté à montrer ce que l’on est vraiment, déjà dans un album, mais encore plus lors des interviews. C’est un peu frustrant…Je comprends pourquoi certains artistes ne veulent plus du tout faire de promotion. En même temps, je suis justement dans l’esprit d’en parler un peu partout et par tous les moyens, un DVD, un CD, de la promo, mais parce que je me sens gentil aussi, je n’ai pas envie d’être snob, de faire quelque chose dans mon coin sans en parler à quiconque. Et puis c’est intéressant aussi de rencontrer des gens.

Regardez, écoutez, avec ou sans guitare. C’est bien la meilleure façon de faire un portrait.

CD : Comme un manouche sans guitare

Label Mercury / Universal Music

Live enregistré les 2 et 3 juin 2009 au Bataclan

DVD : Comme un manouche sans guitare

Label Mercury / Universal Music


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