Monumenta aux confins de la mort : les sépulcres hantés de Christian Boltanski
Monumenta, exposition annuelle d’art contemporain, mérite son nom titanesque. Christian Boltanski, un des artistes français les plus réputés à l’international, investit l’espace de la Nef du Grand Palais d’une installation gigantesque et glaciale, sur les thèmes de la mort et de la transmission.
A l’entrée, une muraille de boîtes en fer, rouillées et numérotées, accueille un visiteur assourdi par des bruits répétitifs et mats. Dépassant cet alignement de ferraille usée et inventoriée, le spectateur entre en immersion dans un univers sépulcral à la température polaire. La verrière de la Nef du Grand Palais, si romantique dès le printemps grâce à sa structure vert-de-gris, se transmue en écrin glacial, éclairé d’une lumière atone et aveugle pour l’installation saisissante de Christian Boltanski : « Personnes ».
Au sol, des vêtements étalés, parqués dans les mêmes espaces parfaitement alignés. Des néons à la lumière crue surplombent ces amas d’habits inhabités, autrefois portés. Cheminant avec autant de déférence que l’exigerait un cimetière, le promeneur se prend à songer aux camps de concentration. La mélopée itérative de graves palpitations de cœurs introduit du vivant dans un paysage mortifère. Les habits deviennent alors évocateurs. Le flâneur imagine ceux qui les ont un jour revêtus et, grâce à ces images mentales, insuffle de la vie parmi la désolation de la mort qui transparait de ce paysage.
Les vêtements sont orientés vers une monumentale pile de vêtements, éveillant l’image du charnier. Une pince mécanique vient s’y approvisionner avec une froide régularité. Elle se saisit de vêtements comme de chiffons, les soulève jusqu’au faîte de la verrière, et les laisse retomber, impitoyable. Ils choient alors, rejoignant l’amas de ceux qui ont déjà chu. Puis, mécanique implacable, le cycle recommence. Christian Boltanski évoque la main divine qui prend et jette indifféremment. Et toujours, plus qu’un fond sonore, les pulsations des cœurs, de toutes parts, à la fois battements individuels et organe commun.
Cette sonorisation provient du projet de l’artiste « Les Archives du cœur ». Près de trente mille personnes ont déjà enregistré quelques secondes de leurs battements de cœur, afin de constituer des archives. Conservées sur une île du Japon, elles seront librement consultables. La relative inaccessibilité du site confère à la visite des archives un statut de pèlerinage.
Chez Christian Boltanski, il est question d’individuel et il est question de mémoire collective.
Richard Serra, invité de la dernière Monumenta, avait érigé des plaques d’acier verticales. Christian Boltanski, lui, étale des vêtements à l’horizontale, semblant évoquer l’humilité dont devrait faire preuve l’homme face à l’inéluctabilité de sa propre mort.
Monumenta
Personnes de Christian Boltanski
Jusqu’au 21 février 2010
Nef du Grand Palais
Avenue Winston Churchill, 75008 Paris
Tarif : 4 euros.
Pour en savoir plus : site de Monumenta
Crédits Photo : Didier Plowy, Tous droits réservés Monumenta 2010, ministère de la Culture et de la Communication
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