« Malcolm » : le manifeste filmé d’un serial killer
Malcolm : JH, 25, NYC, cherche sa prochaine victime
« Il aime New York, le cinéma et le crime de masse »
Jeune homme, 25 ans, New York City, cherche sa prochaine victime… Vous êtes un homme ou une femme, entre 15 et 95 ans, vous vivez à Manhattan, vous êtes passionné(e) de cinéma, de cuisine, de politique, de musique (avec une préférence pour King of Leons), vous aimez partager vos MST… Ne vous déplacez pas, il viendra directement chez vous.
Pour son premier film, le Britannique Ashley Cahill a choisi de rentrer dans la peau – littéralement : le réalisateur joue aussi le rôle principal – de Malcolm, psychopathe aux allures de hipster new-yorkais, qui aime trois choses dans la vie : New York, le cinéma et les tueries. Son parti pris : l’hyperréalisme. Sa méthode : le « documenteur » ou faux documentaire.
Malcolm est un (anti)héros contemporain, un être exceptionnellement inhumain et un monstre ordinaire : antipathique, provocant, narcissique, arrogant, susceptible et ultra-violent. Adepte du crime de masse, il pratique ce hobby avec passion et précision. Son visage s’illumine lorsqu’un corps – criblé de balles, lardé de coups de couteau, au crâne défoncé par une hache – s’écroule à ses pieds. Tremblant, le souffle court, le sourire aux lèvres, il jouit. Si une faille d’humanité transperce sa carapace de super-psycho lorsqu’il tombe sous le charme d’une belle frenchie, elle se referme bien vite… L’amour n’empêche pas Malcolm de « garder la tête froide ». Il a une mission. Ce film est son manifeste.
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Ashley Cahill nous présente son bébé.
Comme Malcolm, vous êtes un Londonien qui s’est exilé à New York pour travailler ; vous aimez le cinéma, notamment les films de Samuel Fuller. Rassurez-moi, vous ne tuez pas pour le fun ? Quels autres points avez-vous en commun avec votre personnage principal ?
Ashley Cahill – Haha ! Non, je ne tue pas pour le fun (ni pour aucune autre raison). Je mentirais en disant que cela ne m’a jamais traversé l’esprit… Quand certaines personnes lisent leurs SMS au cinéma par exemple. Heureusement, je ne suis pas complètement fou… Du moins pas encore. Néanmoins, Malcolm et moi avons beaucoup de points communs. Ce qui énerve Malcolm m’énerve aussi. Mais je ne ressens pas le besoin de tuer pour autant. Contrairement à lui, je me considère comme un Britannique avant d’être un New Yorkais. Je ne suis pas nostalgique du « bon vieux temps ».
Malcolm est avant tout un biopic sur un New Yorkais ordinaire… Capable d’une cruauté extraordinaire. Avez-vous été inspiré par d’authentiques assassins comme John Mc Naughton dans Henry : Portrait d’un tueur en série ? Ou par des personnages fictionnels tels qu’Alex (le héros du film de Stanley Kubrick, Orange Mécanique) ou Patrick Bateman (l’American Psycho de Bret Easton Ellis) ?
A.C. – Ce sont trois films exceptionnels ! Et j’aimerais dire qu’ils m’ont tous plus ou moins influencé. J’ai voulu montrer la violence de manière un peu plus réaliste. C’est notamment le cas des deux séquences les plus perturbantes du film – la scène de la noyade et celle des boulettes de viande – qui rappellent ce que l’on trouve dans Henry : Portrait d’un tueur en série. Malcolm ne s’inspire d’aucune personne réelle. En ce qui concerne le jeu de l’acteur, nous avons choisi d’en faire un pince-sans-rire, un jouisseur. Comme Alex – incarné par Malcolm MacDowell – dans Orange Mécanique. J’ai d’ailleurs choisi le nom Malcolm pour lui rendre hommage.
Malcolm est aussi un manifeste contre la société américaine. Votre héros dénonce le nouveau New York, devenu ultra-sécurisé, voire stérile. Il critique aussi une société superficielle vouée corps et âme au matérialisme, au consumérisme, aux apparences. Une société qu’il incarne pourtant. Êtes-vous d’accord avec ces critiques ? Malcolm est-il un film politique ?
A.C. – Oui, Malcolm est avant tout un film politique ! En 2008, au moment de l’écriture du scénario, je vivais à New York : j’ai vu les affiches d’Obama placardées sur les murs de la ville, j’ai vécu les prémices de la crise financière. Et tous ces éléments se retrouvent dans le film. A l’époque, je traînais avec des hipsters, de riches New-Yorkais originaires de Los Angeles. Et nous nous sentions en sécurité lorsque nous déambulions au milieu de la nuit, nous ne craignions pas de nous faire agresser. C’est pourquoi, il m’a paru intéressant de réaliser une sorte de Taxi Driver inversé. L’histoire d’un homme qui devient fou parce qu’il pense que la vie est devenue trop clean, trop sécurisante, et pas parce que sa femme s’est faite assassinée ou sa fille violée.
Je suis d’accord avec nombre de critiques soulevées par Malcolm. Et comme lui, je suis coupable des mêmes travers qu’il dénonce chez les autres. Je suis content que Manhattan se soit embelli, même si cela implique que certains quartiers aient perdu de leur cachet. La Grosse Pomme s’est métamorphosée – elle est devenue conformiste – en raison de l’embourgeoisement. Puis-je sincèrement m’en plaindre ? Non, car je ne vivais pas dans les années 80. Qui plus est, je suis moi-même conformiste. J’apprécie la sécurité… Même si je regrette le Soho plus bohémien, celui de Keith Haring et d’Andy Warhol. Mais qui veut réellement revenir au temps du Time Square de Midnight Cowboy ?
Pourquoi avez-vous choisi de réaliser un documenteur au lieu d’un film de fiction classique ? Avez-vous été inspiré par le film de Benoît Poelvoorde C’est Arrivé près de chez vous ?
A.C. – Le parallèle avec C’est arrivé près de chez vous est inéluctable. Je ne peux pas le nier. J’aime ce film, mais je pense qu’il a mal vieilli, qu’il est devenu ennuyeux. Ce fut sans aucun doute un film majeur lors de sa sortie. En dehors d’un assassin mettant en scène ses meurtres pour la caméra, je ne vois aucun lien entre les deux films. Malcolm est plus politique, plus contemporain.
J’ai opté pour un format documentaire pour deux raisons. D’abord, je voulais que Malcolm, qui se donne la mission de métamorphoser New York, produise un manifeste filmé. Quand C’est Arrivé près de chez vous dénonce l’attitude racoleuse des médias, Malcolm lui combat le conformisme, la petite bourgeoisie new yorkaise et le cinéma américain. Pour être honnête, nous disposions surtout d’un petit budget, de telle sorte qu’il semblait plus facile de tourner le film avec une équipe de documentaristes.
Malcolm se situe aux antipodes d’un film politiquement correct. On y trouve une multitude d’actes de violence gratuite, mais aussi des MST (maladies sexuelles transmissibles), des blagues racistes, j’en passe et des meilleures. Avez-vous franchi la ligne rouge ? Ne craignez-vous pas de choquer le public ?
A.C. – J’espère choquer le public ! Les spectateurs ont trop pris l’habitude d’être en sécurité au cinéma. Je veux les tirer de leur état léthargique, les réveiller. Non, je pense n’avoir franchi aucune ligne. Toutes les choses que vous avez listées (la violence, les MST, le racisme) sont monnaie courante dans les métropoles telles que New York. J’en ai marre du politiquement correct. C’est l’ennemi de la pensée, de la culture, de l’art, de l’humour… Et du cinéma. Je préfère qu’un spectateur soit bouleversé plutôt qu’il reste tranquillement assis dans une salle sombre en avalant du popcorn tout en se demandant s’il doit acheter du lait sur le chemin du retour.
« Malcolm » d’Ashley Cahill – En salles le 23 janvier 2013.
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