Pascal Mary : chanteur à texte, chansons prétextes
Pascal Mary est auteur-compositeur-interprète. Souvent accompagné d’un seul piano, il fait vivre des textes pleins de poésie à travers une voix aussi sensible que retenue. Sur scène, où il se produira le 7 mars prochain à Angers et le 9 à Paris, il est perfectionniste et joue avec son public. Et dans la vie ?…
Pascal Mary est un homme discret. Un homme ? Un lutin. Il a les oreilles pointues et son sourire garde la fraîcheur de l’enfance. Les joues rosies par le froid – il a bravé la neige à vélo pour arriver jusqu’à la brasserie Wepler – il se demande à quelle sauce il va être mangé. Il hésite, il bafouille, il dépose le sucre sur sa petite cuillère avant de le verser dans son café. Mais derrière ses yeux marron-verts, on devine un homme posé.
Presque gêné de devoir parler de lui, il répond aux premières questions de manière sporadique : « Oui, je viens de Normandie », puis « Oui, 42 ans, c’est bientôt ». Puis, semblant rassuré, il s’adosse à la chaise, se détend, et se raconte. Il est arrivé à Paris en 1988, à l’âge de 20 ans, avec un « niveau DEUG de Lettres à Caen ». Et c’est vers le théâtre qu’il se tourne d’abord, puisqu’il ne sait pas trop quoi faire. D’abord au cours Maurice Sarrazin puis au conservatoire du 10ème arrondissement de Paris où il prend des cours de comédie musicale, avant de découvrir le Piano-Zinc où il fera des rencontres déterminantes. Il enchaîne avec des tournées dans une compagnie de théâtre de rue ; et là, depuis quelques temps, il est en train d’écrire une comédie musicale scato-pornographique.
Il lâche l’information dans un fou rire de gamin espiègle. Pascal Mary se dévergonderait-il déjà ? Le café sucré fume toujours… Fausse alerte, hélas. Il revient à ses débuts, à ces rails en zigzag qui l’ont mené jusqu’à la chanson à texte. Il s’est mis au piano à l’âge de 20 ans parce qu’il est tombé amoureux fou d’un pianiste. Ça motive. Le pianiste est parti, le piano est resté. Des chansons sont arrivées. De là à dire que Pascal Mary est né, il y a qu’un pas.
Ses chansons sont sa principale activité depuis dix ans, mais il n’a arrêté les jobs alimentaires qu’il y a un an et demi seulement, à l’âge de 40 ans : il a été tour à tour agent hospitalier, vendeur, hôte d’accueil, serveur, standardiste… Aujourd’hui, il vit de ses Assédic et de ce qu’il touche pour ses concerts. Moitié moitié.
Est-ce que ça lui convient ? Il aimerait que tout aille un peu plus vite. Ses amis espèrent de tout leur cœur « qu’il obtiendra la place qu’il mérite dans le paysage musical français. » Et on le devine impatient, malgré ses démentis. Pourtant, il n’a jamais eu autant de dates de prévues – dix ces six prochains mois, un peu partout en France et en Suisse. Il espère secrètement que la machine s’emballe, qu’il puisse ne vivre que de ses chansons, que la reconnaissance soit plus évidente : « un artiste est en demande d’amour ». Un manque à combler ?
Petit, il habitait dans un village, avec une grande sœur, un père malade et une mère qui n’avait pas toujours le moral. Souvent solitaire, la solitude le fait souffrir et lui laisse l’impression que le monde lui tourne le dos. Une enfance pas malheureuse, mais un peu grise, un peu plate, et pleine d’ennui. Sa chanson Les dimanches en est une belle illustration : « Je ferai pas curé, je ferai pas vieux gars, je ferai pas pédé, moi je ferai des tas / Des tas d’enfants pour qu’ils s’ennuient tous les dimanches après-midis… »
A l’adolescence, son projet de vie était « d’être amoureux ». Il en est revenu, mais il s’en souvient avec un sourire plein de tendresse. Et si ses chansons parlent beaucoup d’amour, c’est parce qu’elles sont « autobiographiques ».
Pascal Mary nous parle de lui à travers ses textes. Avec pudeur, paradoxalement, puisque pour lui, un artiste doit être « exhibitionniste ». Il doit aussi être un médium entre des émotions et un public, il doit faire passer des sentiments universels pour pouvoir toucher le plus grand nombre. Il est « un artiste sans concession » selon Alexandre Bonstein, un ami proche, et artiste lui-même. Ses chansons ne sont finalement qu’un prétexte pour « faire du beau avec la souffrance », et il y arrive en ajoutant du cynisme et de l’ironie entre les mots.
L’humour, voilà ce qui le sauve de ses vilains démons !… L’autodérision est son terrain de jeu préféré, et il a su transformer sa fragilité et ses manques en fonds de commerce. Il s’en sort donc bien, pour quelqu’un qui a suivi une psychanalyse pendant cinq ans. Sous ses airs de poètes aux allures de philosophe, il peut parler très sérieusement entre de longues pauses de réflexion, pour glisser au hasard d’une phrase une ironie furtive illustrée par un œil qui scintille. Et un sourire ravi, quand la personne en face perçoit le bon mot, ou pouffe de rire devant une référence peu catholique.
Mais et la religion, alors ? Le « bon dieu » s’invite souvent dans ses chansons et pas forcément en termes flatteurs. Y a qu’à voir. Pascal Mary n’a pas vraiment l’air d’apprécier Noël, et les coupables de cette tradition en prennent pour leur grade : « Tout cela parce qu’une adultère craignant de se faire lapider / Préféra dire le ventre à terre : « Ca c’est le bon dieu qui me l’a fait ! » / Tout cela parce qu’un charpentier qui ne voulait pas s’avouer cocu / Préféra dire que sa moitié n’avait eu que l’bon dieu dans l’… » Voilà qui résume. En fait, tout y est : la critique des Noël hypocrites en famille qui sent le vécu, l’ironie grinçante face à la religion, et l’humour décapant. Le tout chanté d’une voix innocente sur une instrumentation imagée qui ressemble à s’y méprendre à du Bénébar – même si Pascal Mary s’en défend. La chanson s’appelle Joyeux Noël et elle est toujours la dernière d’un concert, pour garder de l’artiste un souvenir amusé. Par peur de ne laisser retenir que les mélodies mélancoliques traitant de souffrance et de solitude ? Peut-être.
Pourtant, balancé artistiquement entre ces deux univers musicaux, Pascal Mary a trouvé son équilibre d’être humain dans une démarche spirituelle bien loin de l’Eglise catholique qui aura occupé ses dimanches enfantins. Il a eu une « révélation » un jour en lisant Jiddu Krishnamurti. Et puis, en septembre 2007, il fait son premier séjour en Ardèche, dans l’association « Les Amis d’Hauteville » créée par Arnaud Desjardins, un ancien réalisateur de l’ORTF devenu maître spirituel garant de la tradition de l’Adhyatma yoga. Là-bas, il s’est senti « comme un poisson rouge qu’on remet dans un bocal ». Depuis, il y retourne régulièrement, et fait tous les jours de la méditation et du yoga.
Pascal Mary n’aura jamais autant pris soin de lui. A le voir parler, des étoiles dans les yeux, de son engagement spirituel et de que ça lui apporte, cette direction qu’a prise sa vie le comble au plus haut point. Le sourire est posé, le regard franc et dénué d’angoisses, la parole est libérée et l’humour salvateur. Voilà un artiste à l’aise dans ses pompes, même s’il avoue que « le bonheur n’aide pas forcément à la création ». Et finalement, il s’en fiche : « Je ne me lève pas le matin en me disant qu’il faut que j’écrive une chanson. » Elles viennent quand elles doivent arriver.
Il pense d’ailleurs de plus en plus à se mettre au solfège, lui qui ne lit pas la musique. Déchiffrer des tablatures ne suffit plus pour un musicien professionnel. Il y pense, donc. Comme un projet. On se demande s’il le réalisera, et après tout, peu importe. Le temps ne semble pas être un problème pour lui. Son engagement spirituel ne lui fait plus trop craindre la mort. Seule compte la vie, qu’il croque, qu’il chante, qu’il s’approprie, et qu’il incarne. Il en a d’ailleurs écrit une chanson, dont il a repris le titre pour intituler l’album : « Paraît qu’c’est jolie la vie ». A le voir, on se dit que oui.
Pascal Mary en concert le 7 mars 2010 à Angers (Chansons en appartement), le 9 mars à Paris (Connétable), le 18 mars à Paris (péniche Dame de Canton), le 20 mars à Coutances (théâtre municipal), et le 27 mars à Chevilly la Rue.
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