Ridan, le renouveau de la chanson française

Aux Victoires de la Musique 2005, la France découvrait Ridan, qui remportait à cette occasion le titre de « meilleur espoir de la chanson française ». Deux ans plus tard, on ne présente plus l'artiste dont les deux premiers albums ont unanimement séduit les critiques. Son troisième opus, L'un est l'autre, sonne comme un espoir après deux albums très inspirés et fondamentalement noirs. Ridan, pour qui la musique est un « voyage au centre de lui-même », nous offre ici un album riche en nuances, aux textes fins et engagés, traduisant les émotions humaines avec une aisance  déconcertante. Entretien avec cet écorché vif, éternel rêveur épris de langue française.

Les critiques ont accueilli très favorablement tes deux premiers albums. Tes textes, notamment, ont été particulièrement bien perçus. Te sens-tu fier d'incarner un renouveau de la chanson française ?
La fierté c'est une chose que je digère assez mal en général, parce que je n'ai pas l'impression de faire quelque chose d'exceptionnel. Je fais juste ce que j'aime, donc je suis flatté plus que fier.

Mais lorsque l'on te compare à des Brassens ou à des Renaud, qu'est ce que tu ressens?
Sincèrement le seul point commun entre Renaud et moi, c'est le bandana, peut-être… (rires). Je ne peux pas me comparer à ces artistes, ce sont des entités énormes, ils représentent beaucoup, et je n'ai pas la prétention d'être comparé à eux, même si cela me touche.

Tu es un artiste engagé, l'écriture pour toi, doit nécessairement dénoncer?
Je pense qu'un artiste voit son écriture conditionnée par la réalité qui l'entoure. On vit dans un monde assez dur, c'est la réalité, et c'est cela que l'on ressent dans mes textes.

Dans stars minutes, tu dénonces le principe de ma télé réalité, qu'est ce que tu déplores le plus dans ce système ?

Le drame que vit une bonne partie de ces gens-là. Même le moins talentueux de ces jeunes artistes, c'est quelqu'un qui rêve, et il tue son rêve sans le savoir. C'est cela qui me touche. Quand on propose de fabriquer des artistes, on tue tout le concept d'art. Les artistes se révèlent, et ils se révèlent au travers de leur vie, de leurs expériences, de leur sensibilité. C'est la différence entre écrire un album et fabriquer un CD.

Dans une interview précédente, tu qualifiais la musique de « voyage au centre de toi-même ». Pourquoi un tel besoin d'écriture ?

Je pense qu'on a tous besoin de trouver son équilibre. Il faut se remettre en question pour savoir qui l'on est. Je suis en permanence en train de me découvrir. Je me surprends parfois à être capable de faire certaines choses. Il y a 10 ans, je ne me voyais pas monter sur une scène ! Pour être en phase avec toi-même, il faut que tu fasses ce qui te permet d'être toi-même. Dans mon cas, écrire est une sorte de thérapie.

Tu fais beaucoup de scènes, tu penses que le live et le contact avec le public donnent une autre dimension à la musique ?
Oui complètement. Ça peut paraître démago, mais les concerts sont très fraternels. D'un seul coup, tu vis avec des gens que tu ne connais pas un instant très intime. C'est un moment privilégié. Ce qui me frappe le plus, ce sont les expressions du public. Puisqu'on dit que le regard est le miroir de l'âme, alors c'est fascinant d'avoir 10000 paires d'yeux en face de toi. Ce qui est difficile c'est de ne pas développer l'égocentrisme qui naît souvent de ce type de situation…

Et de ce point de vue-là, tu penses que tu gardes la  tête froide ?
Tant que mon père m'appelle une fois par semaine pour me souvenir de sortir les poubelles, ça me rappelle qui je suis…(rires)

Tu as le don de mettre le doigt sur des sujets qui sont très parlants, c'était le cas dans le rêve ou la vie et l'on retrouve cela dans L'un est l'autre. Parler de sujets qui touchent les gens c'est important pour toi ?
Oui bien sûr, même si au départ ce n'est pas calculé. J'exprime des souffrances et des sensibilités qui sont miennes, mais que partagent parfois d'autres gens. J'essaye d'apporter une vision différente et non pas une solution, car c'est la différence entre un moralisateur et un artiste dit « engagé ». J'ai une vision qui m'est propre, j'ignore quelle dimension elle peut prendre, mais plus elle touche les gens, plus j'en suis heureux évidemment.

Le titre de l'album, L'un est l'autre est synonyme de fraternité; est ce qu'il clôt la boucle des deux premiers albums avec une réponse à toutes tes interrogations : la réponse est dans l'autre ?
C'est exactement ça. On passe son temps à se poser des questions, mais non seulement la réponse est dans l'autre, mais l'amour de soi passe par l'autre. Quand je dis « l'autre », je parle de l'autre moitié qui me complète. Je ne parle pas au sens amoureux du terme. L'autre moitié, ça peut être le monde, ça peut être un frère, un père. J'aime les gens, ils sont pleins de richesses, de diversité. On a tous à apprendre les uns des autres.

Le premier morceau d'un album est toujours important. Quel est le message d'On est comme on naît ? Une référence à ta double identité de chanteur français d'origine algérienne?
Le message, c'est d'apprendre à s'aimer avec ses forces et ses faiblesses. C'est la combinaison des deux qui permet l'équilibre Pendant trop longtemps la différence n'a évoqué que de la peur. Il est important qu'aujourd'hui tout le monde soit conscient que la différence c'est une richesse.

Tu termines l'album par un morceau dans un style rap, qui tranche avec les autres chansons, c'est un clin d'oeil à ton passé, je pense notamment à ton appartenance à 30 rappeurs contre la censure?
Oui, c'est aussi un moyen de fermer la boucle. La musique n'est pas une histoire de tempo ou de mélodie, c'est une ligne droite qui s'étend à l'infini et que chacun arpente selon ses envies. Un artiste peut, s'il le souhaite passer d'un style à un autre. C'est ce que je voulais expliquer en concluant ainsi mon album.


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