Andy Warhol : Gotha Project

Mardi 10 mars, 10h30. Devant le Grand Palais, s'agite un attroupement confus et chic composé de journalistes à la mise sophistiquée, de maigres mannequins vêtues d'un rien qui prennent la pose en pleine rue et de quidams éblouis. Les flashes aveuglent et de sobres parapluies griffés Chanel virevoltent, indolents compagnons au-dessus de la foule électrique. Est-ce cela, Le Grand Monde d'Andy Warhol ?

Hélas non. De toute évidence pas assez caféinée, je me rends compte que ce sont les prémisses du défilé Chanel auxquelles j'assiste et que le vernissage de l'exposition consacrée à Warhol est la semaine prochaine…
Une dizaine de cafés et de jours plus tard, ouvre Le Grand Monde de Warhol, rétrospective orchestrée par le commissaire d'exposition Alain Cueff dont le parti-pris est de n'exposer que les portraits. Portraits d'ailleurs trop souvent ramenés aux seules images de Marilyn et malheureusement souvent vus en reproduction par paresse intellectuelle : Warhol travaillant sur la série et la reproduction, pourquoi alors voir les originaux ?
Parce qu'à tergiverser sur le conceptuel, on en a oublié le plasticien. Plasticien de génie qui, s'il utilise la sérigraphie de manière mécanique, sait travailler ses toiles, manier les noirs profonds, les gris métalliques et les empâtements.
Parce qu'à gloser sur son prétendu cynisme facile, on en a oublié le coloriste qui exalte ses sujets, rehausse d'un bleu-vert dynamique une ombre sur un visage qui se donne, excite d'un coup de pinceau une sage chevelure, barre la paupière d'un large trait vert sans concession. On en a oublié l'artiste qui sait transformer les hommes en images éternelles.
Parce qu'à trop pérorer sur la superficialité de son travail, dont les couleurs acidulées ne sont que poudre de perlimpinpin et dissimulent des sujets bien plus noirs, on en a oublié que la beauté et la jeunesse des sujets ne sont représentées non pour les glorifier mais au contraire pour en stigmatiser la fugacité.
Et si, fasciné par la beauté formelle qui se dégage de ces tableaux on l'oublie tout de même, les morbides Skulls, crânes aux orbites vides qui comme tous les crânes affichent un sourire sardonique et ricanent d'outre-tombe sur le mont (Gol)gotha, sont là pour nous le rappeler.
Cette exposition est donc incontournable car loin de revenir sur un sujet galvaudé, elle en ouvre de nouvelles dimensions et permet de redécouvrir un artiste qui a souvent fait l'objet d'analyses restrictives. En outre, l'accrochage est particulièrement bien pensé et va à l'essentiel sans sacrifier à la profondeur d'analyse.
Rendons donc hommage à celui qui a su, techniquement et conceptuellement, révolutionner l'art du portrait : « Tous mes portraits doivent avoir le même format pour qu'ils tiennent tous ensemble et finissent par former un seul grand tableau intitulé Portrait de la société. Peut-être que le Metropolitan Museum voudra l'acquérir un jour ».

Le Grand Monde d'Andy Warhol – jusqu'au 13 juillet 2009


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