Gakona ou les particules impopulaires
Gakona, titre énigmatique de la nouvelle exposition du Palais de Tokyo, c'est le trou du Sud de l'Alaska, petit village qui abrite la base scientifique HAARP, officiellement chargée par les autorités américaines d'étudier l'ionosphère et ses effets sur les télécommunications. Or, pour cela, le laboratoire modifie localement l'ionosphère en utilisant d'impressionnantes antennes dont les éventuelles capacités de captation et de manipulation sont autant de sujets de controverse. Présentation des propositions de quatre artistes, à la frontière entre le réel et le fantasme.
Laurent Grasso livre une interprétation littérale de la problématique, en reproduisant la fameuse forêt d'antennes du site. Cette gigantesque installation, glacée et géométrique, donne le ton.
Ceal Floyer et Roman Signer nous font pénétrer dans un lieu halluciné. Et pour cause, leurs installations font écho à nos peurs les plus primaires, dès lors qu'il s'agit de manipulations scientifiques. Ici, les tables dansent, les parapluies produisent des courants électromagnétiques assourdissants, les interrupteurs sont des leurres, les tondeuses à gazon bousculent des chaises impassibles et une mélodie syncopée résonne de temps à autre, une voix humaine ne chantant que certains mots de « Love me tender ».
Micol Assaël nous plonge dans un bain électrostatique, après nous avoir inondé de recommandations et d'interdits. Interdit aux femmes enceintes, aux porteurs de prothèses électroniques, aux enfants de moins de huit ans. Prière d'éteindre ses appareils électroniques et d'éviter de toucher le visage des autres visiteurs. Malgré tout, quelques kamikazes, jouant à pince-mi et pince-moi, sont dans un champ électrostatique et s'envoient du jus en riant. Un monsieur à la mise soignée, contrastant avec sa nouvelle coiffure tendance punk électrostatique, me soutient mordicus, tous cheveux dressés, que peu de gens savent, qu'en réalité, les champs électrostatiques n'ont aucun effet sur l'être humain.
De toute façon, ce sont les potentialités de l'électromagnétisme qui préoccupent les conspirationnistes et, notamment, Jeane Manning, auteur du livre Les anges ne jouent pas de cette HAARP, dont la thèse est que le gouvernement américain poursuit des recherches pour rendre ses communications inviolables, modifier le climat ou même manipuler le cerveau humain à distance…
En ce qui concerne l'exposition, si les œuvres, prises indépendemment, ne sont pas éloquentes, l'ensemble forme un laboratoire de l'inquiétante étrangeté, (peu) peuplé de créatures grotesques dans une atmosphère teintée d'absurde. Cependant, le vide apparent de l'exposition discrédite quelque peu le travail de ces quatre artistes. Heureusement, la programmation autour de l'évènement étoffe son propos : les jeudis de Gakona présentent table-ronde, projections et ateliers autour d'expérimentations faites à partir d'électricité. Une exposition un peu capillo-hérissée donc mais fort ludique.
« Le Louvre, le musée qui était une muse….Le cri du nuage »