Triste fin de Roman ?
A 79 ans, Roman Polanski pourrait être considéré comme un vieux monsieur. Pourtant, il n’en est rien. Pourquoi ? Car, Roman Polanski est un génie. Un génie de la caméra, de la prise de vue, de la narration, du 7e Art. Un artiste. Un de ces réalisateurs qui marque son temps, son siècle, qui fait avancer les choses, qui fait bouger les consciences. Roman Polanski a fait rêver, rire et pleurer des millions de personnes. Et ce n’est certainement pas fini tant ses œuvres, telles Le Pianiste ou Rosemary’s Baby, semblent inoxydables, capables de traverser les époques avec toujours une émotion intacte. Cette force de conteur, Polanski la tire d’un parcours totalement atypique. D’une enfance passée à échapper à la mort dans le ghetto de Cracovie. D’un drame inhumain qui vit un serial killer trucider sa femme, enceinte de huit mois, ainsi que quatre de ses proches. De son succès surprise à Hollywood avec Rosemary’s Baby en 69 alors que personne ne le connaissait. De ses dépressions et de ses coups de génie… Une vie pas toujours heureuse, jamais linéaire mais terriblement enivrante. Mais aujourd’hui, alors qu’il devrait passer son temps dans les bars à cigares à déguster du bon vin, Roman Polanski fait l’actu pour des raisons bien plus tristes. Une sale affaire de pédophilie présumée lui a en effet valu une arrestation manu militari, dimanche dernier, à son arrivée à l’aéroport de Zürich. Une histoire vieille de 30 ans pour laquelle le réalisateur s’est déjà fait juger. Il a d’ailleurs avoué avoir eu des relations sexuelles avec Samantha Geimer, âgée alors de 13 ans. Polanski avait lui, déjà dépassé la quarantaine. Aux Etats-Unis comme dans toutes les démocraties, on appelle cela de la pédophilie. D’où le procès et plus d’un mois passé derrière les barreaux pour Polanski. Ensuite ? Le cinéaste a préféré fuir, ne pas attendre le véritable jugement et vivre sans jamais remettre les pieds sur le sol de l’Oncle Tom. Cette histoire s’étant déroulée en 1977, chacun s’accordait à parler de dossier classé. Même Samantha Geimer, aujourd’hui mère de trois enfants, n’a plus envie d’en entendre parler. Hier, elle n’a pas hésité à parler de « mauvaise blague » au sujet de l’arrestation de Polanski. Aussi, les cinéastes du monde entier – Costa-Gavras, Bertrand Tavernier, Monica Bellucci et plein d’autres- se sont levé pour défendre leur homologue. A l’instar de quasiment tout le monde hormis la justice américaine, les acteurs du 7e Art ne comprennent pas. Ni le moment, ni la raison et surtout pas le mode opératoire. Et il faut bien avouer que c’est inexplicable. Plus de trente ans après les faits, c’est la Suisse – alors que Polanski y possédant une habitation s’y rend au moins deux fois par an depuis des années – qui a mené l’interpellation. Invité au festival de Zürich, Roman Polanski est venu recevoir un prix pour l’ensemble de son œuvre. Quand il descend de l’avion, la limousine l’attend. Seulement, il ne s’agit pas des festivaliers mais des forces de l’ordre. Ainsi, le réalisateur se retrouve sous le coup d’une extradition de la Suisse vers les USA. Un voyage forcé qui, s’il a lieu, sera synonyme de procès devant les juges américains. Outre-Atlantique, la prescription n’existe pas pour les affaires concernant les mineurs. A cela, les avocats devraient pouvoir ajouter aux charges le délit de fuite – une cavale de 32 ans tout de même – et Roman Polanski aurait alors toutes les chances de terminer sa vie en prison. La Suisse, qui s’est fait taper sur les doigts à cause de ses banques pas très nettes, veut certainement redorer son blason auprès des tout puissants américains. C’est en tout cas l’explication qui revient le plus souvent dans la presse helvète pour expliquer cette décision. L’Amérique en gendarme de la planète, ça n’est pas nouveau. L’Amérique – même celle d’Obama – mettant au pas tous les gouvernements du globe, non plus. L’Amérique pointilleuse et étrangement revancharde, qui s’en prend, dans un excès de zèle judiciaire déroutant, à l’un des génies du siècle, ça par contre, c’est nouveau. Et c’est plutôt dommage…
« Polanski rattrapé par la justiceLe « plan jeunes » sur le pont »